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La Bataille

La Bataille

Titel: La Bataille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Rambaud
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l’Empereur !
    Les deux voltigeurs s’excusèrent :
    — On pouvait pas d’viner…
    — Z’avez un cheval hongrois, alors, hein, on s’disait
que c’était une bonne prise.
    — Où est le maréchal Masséna ?
    — On sait pas trop.
    — C’est-à-dire ?
    — On l’a vu y a pas une heure avec not’général.
    — Qui est-ce ?
    — Molitor.
    — Et où les avez-vous vus ?
    — Par là, vers l’orée d’ce bois où on est.
    — Vous êtes en patrouille ?
    — Y a d’ça.
    — N’avancez pas trop près du village, les Autrichiens
s’y installent.
    — On sait.
    — Merci !
    Lejeune pénétra plus profond dans les taillis, manqua se
laisser écharper par d’autres patrouilles à cause de son cheval hongrois. Enfin
un sous-officier le pilota vers le camp provisoire de Masséna, contre une
roselière qui bordait des marécages d’où aucun ennemi ne surviendrait. De
nombreux feux, des torches annonçaient un bivouac important, et à ces lueurs
mouvantes Lejeune devina la silhouette mince de Sainte-Croix qu’entouraient des
officiers enveloppés dans leurs manteaux. Il finit le trajet à pied, quand il
buta sur un corps étendu qui se mit à brailler :
    — Hé ! qui me marche sur les jambes ?
    — Votre Excellence ?
    Masséna avait somnolé une heure ou deux en attendant l’ordre
du repli. Il se leva, s’ébroua, pesta contre le temps humide et froid, et, sous
le flambeau que tenait un tirailleur engourdi, lut le message de
l’Empereur ; il le plia, le glissa dans une poche de son long manteau,
ajusta son bicorne, remercia Lejeune et partit sans se presser vers le groupe
qui bavardait près des feux.
     
    Fayolle avait suivi jusqu’à Essling la carriole et son
chargement de cuirasses. Les fusiliers de la Jeune Garde battaient le briquet
pour allumer des feux de planches et de branches, comme s’ils s’installaient,
mais ils gardaient l’arme à la bretelle et leurs sacs bouclés dans le dos. Il y
avait des cadavres dans les moindres recoins, jetés pêle-mêle, uhlans, voltigeurs,
Autrichiens, Français, Hongrois, Bavarois, dépouillés de leurs bottes et de
leurs uniformes, nus, cassés, horribles. Quelques-uns avaient brûlé à demi.
    Fayolle s’assit sur un banc dans le jardinet saccagé d’une
maison basse, à côté d’un hussard aux yeux fermés mais qui ne ronflait pas. Des
papiers de cartouches voltigeaient au ras de l’herbe.
    — Tu sais où y a d’la poudre ?
    Le hussard ne répondait rien. Fayolle le secoua à l’épaule
mais le cavalier s’écroula ; il était mort ; s’il avait encore son
uniforme c’est qu’on l’avait cru endormi. Fayolle le fouilla, prit la poudre et
les balles de la sacoche qu’il portait en bandoulière, regarda ses bottes
élégantes et souples. La bataille était finie mais il sourit en pensant qu’il
avait enfin trouvé des bottes à sa taille. Il les tira. Il ôta ses espadrilles
et les chaussa. Puis il alla s’accroupir près du feu le plus proche où
brûlaient des chaises et des rameaux. Il tendit ses mains, apprécia cette
chaleur. Dans son dos on l’appelait :
    — Toi là-bas !
    Il se retourna pour affronter le regard soupçonneux d’un
grenadier de la Garde, mains aux hanches, parfait dans ses guêtres blanches.
    — T’es français ? Tu sors d’où ? Quel
régiment ? C’est des bottes de hussard, que tu portes ?
    — Tu peux pas t’taire, foutu bavard !
    — Déserteur ?
    — Imbécile ! Si j’avais déserté je serais loin.
    — T’as raison. Alors ?
    — Cuirassier Fayolle. Mon escadron a été massacré par
les boulets. Je suis tombé de cheval, j’ai été assommé, je me suis réveillé
quand les charognards des ambulances me dépouillaient.
    — Faut pas rester dans les parages. On décampe.
    — Te mêle pas d’ma santé, tu veux ?
    Des cavaliers rangés par quatre passèrent au pas entre les
flambées de la place ; derrière eux défilaient en désordre des bataillons
qui se perdirent à leur suite dans la rue principale. L’armée quittait Essling.
Le grenadier laissa Fayolle en haussant les épaules, il cracha par terre et
ajouta qu’il l’avait prévenu. Fayolle alla de nouveau s’asseoir près d’un feu.
Il sortit de sa ceinture le pistolet du capitaine Saint-Didier, le nettoya car
la poudre en était mouillée, le chargea avec la poudre neuve du hussard, glissa
la balle. Son arme à la main, il se leva, fier de ses nouvelles bottes, et
marcha dans la

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