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La Bataillon de la Croix-Rousse

Titel: La Bataillon de la Croix-Rousse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Noir
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seul, au péril de sa vie, insiste et parvient à se faire écouter. Il y eut un instant d’hésitation parmi les juges   : mais « la voix du peuple les menaçait de mort s’ils osaient absoudre » La sentence fatale fut prononcée.
    Quand Bemascon entra dans la prison pour dire à son ami l’adieu éternel, le voyant étendu sur un grabat, il resta muet de saisissement. Mais Châlier   : « Ne t’afflige pas, mon ami. Je meurs content, puisque je meurs pour la liberté. Dis que l’on punisse les grands coupables qui ont égaré le peuple, toujours bon et juste quand il n’est pas séduit   : mais qu’on épargne, dans le grand jour des vengeances, ces milliers d’hommes, victimes innocentes de l’erreur. Je ne te verrai plus   ! Adieu   ! À ce moment, une voix terrible retentit   ; c’était celle du bourreau. On emporta Bernascon.
    Châlier sentait qu’il tombait en martyr   ; il se prépara à mourir dignement pour la postérité.
    Il fut très simple et très fort   ; mais il eut le sentiment très vif de l’immense faute que commettait sa cité d’adoption.
    En mourant, Châlier prédit à Lyon le sort qui l’attendait.
    Châlier, dit Lamartine, condamné à mort quelques jours après par le tribunal criminel, voyait du fond de son cachot la lueur des illuminations allumées en l’honneur de la victoire des modérés. Ce sont les torches de mes funérailles, dit-il. Les Lyonnais font une grande faute en demandant ma mort. Mon sang, comme celui du Christ, retombera sur eux et sur leurs enfants, car je serai à Lyon le Christ de la Révolution. L’échafaud sera mon Golgotha, le couteau de la guillotine ma croix où je mourrai bientôt pour le salut de la République.
    Cet homme, dit encore Lamartine, qui aspirait le sang par le fanatisme de sa démagogie, se montra le plus sensible et le plus tendre des hommes dans la solitude et dans le désarmement de la prison. Une femme, dont il était aimé, lui avait fait parvenir une tourterelle apprivoisée dont il avait fait la compagne de sa captivité et qu’il caressait sans cesse.
    Image d’innocence sur une tête pleine de rêves sanglants, l’oiseau perchait constamment sur les épaules de Châlier.
    Châlier fit entendre après sa condamnation des prophéties sinistres sur la ville.
    On lui accorda de voir une dernière fois ses amis et la femme à laquelle il était attaché. Il les consola lui-même et leur légua ce qu’il possédait, sans oublier son oiseau qu’il baigna de ses larmes.
    L’exécution fut une des plus épouvantables dont le martyrologe de la liberté ait conservé le souvenir   :
    Châlier fit à pied, au son du tambour, accompagné d’un prêtre, le chemin qui conduisait de la prison au lieu du supplice.
    Il marchait d’un pas ferme, refoulant dans son cœur l’impression des huées dont le poursuivaient de malheureuses femmes, trompées par ses ennemis.
    Sous le couperet, il dit au bourreau   : « Rends-moi ma cocarde, attache-la moi, car je meurs pour la liberté. »
    La guillotine, dressée à Lyon pour la première fois par le parti modéré, n’avait pas encore servi, et le bourreau manquait d’expérience. Le couteau se trompa quatre fois, et il fallut achever de couper avec un couteau ordinaire cette tête ruisselante de sang   : spectacle abominable qui n’empêcha pas quelques claquements de main   ! Le peuple, une fois revenu de son erreur, fit de Châlier un martyr   ; mais trop tard… »
    La baronne de Quercy avait assisté à l’exécution du haut d’un balcon   ; elle avait cette insensibilité des grandes dames pour qui la mort d’un croquant peut être un spectacle, jamais une douleur.
    Quand tout fut fini, elle dit en riant   :
    – J’aime autant que ce soit sur Châlier que le bourreau ait fait son apprentissage   ; j’espère, si je suis guillotinée, mourir d’un seul coup.
    Et à l’abbé Roubiès   :
    – Je pars demain avec Saint-Giles.
    Elle s’en alla, en attendant, dîner avec lui.
    Une pareille insouciance était-elle courage ou légèreté   ?
    Les deux peut-être.

L’enlèvement
    Le temps marchait, et l’heure de réaliser les plans d’enlèvement et de fuite approchait.
    La baronne était une femme trop avisée pour avoir confiance absolue dans la continence de dom Saluste   : elle l’avait jugé ce qu’il était   : capable de comprendre qu’il serait de son intérêt d’attendre, mais capable aussi d’impatience et, par conséquent,

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