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La Bataillon de la Croix-Rousse

Titel: La Bataillon de la Croix-Rousse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Noir
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cage et donnez-lui la clef des champs.
    – C’est bien cruel.
    – Vous l’aimez à ce point de ne pouvoir vous résigner à le perdre pour un temps   ?
    – Entre nous, l’abbé, c’est la seule passion que j’ai eue. Tout le reste fut feu de paille, caprice, bulle de savon. Mais cette fois, je brûle, je flambe, c’est un véritable incendie.
    – Toute autre que vous me le dirait, baronne, je ne le croirais pas.
    – Enfin, l’abbé, il faut qu’il parte   : mais je ne veux m’en séparer qu’à la dernière extrémité.
    – Comme prêtre, je vous condamne, comme homme je vous comprends   ! Vous devez bien avoir imaginé un expédient.
    – Sans doute. Voilà que la guerre civile est commencée. Dix-huit cents gardes nationaux casernés chaque jour, dix mille pionniers au travail, c’est l’ouverture des hostilités où je ne m’y connais pas.
    – Avant dix jours, dit l’abbé, l’armée des Alpes enverra un détachement nous assiéger.
    – Mais êtes-vous bien sûr qu’il n’y aura pas d’accommodement entre les Girondins, qui, à Caen, à Rouen, à Bordeaux ont fait la paix   ?
    – Baronne, nous n’étions pas dans ces villes pour brouiller les cartes. Mais nous sommes à Lyon heureusement, et, après avoir massacré Sautemouche comme Danton a assassiné les nobles en octobre, nous allons nous inspirer encore de l’exemple de ce citoyen énergique   : un maître homme, baronne   ! Il a fait, ou si vous voulez, laissé faire les massacres de Septembre, pour que Paris fût couvert du sang des prêtres et des nobles, et devînt irréconciliable avec le pape et les rois. Mais quand les rois ont lancé leurs soldats sur Paris, Danton a voulu que la France fût mise dans l’impossibilité de reculer et il a forcé l’Assemblée des représentants de la nation à jeter la tête de Louis XVI en défi à l’Europe coalisée. Nous, baronne, nous allons juger Châlier solennellement et l’exécuter, ce qui engagera la ville de Lyon dans une lutte sans pitié, sans pardon, de même que la France se trouve lancée dans une guerre sans merci pour avoir coupé le cou à son roi.
    – Vos Girondins consentiront-ils à cette guillotinade   ?
    – Baronne, les juges sont des nôtres.
    – Mais la garde nationale, le peuple, les modérés   ? Il y a déjà des gens qui se lassent, qui s’effraient, qui disent que Châlier n’est pas si coupable et qui s’intéressent à lui.
    – Je sais, dit l’abbé. Mais nous produirons au procès une pièce qui le rendra odieux aux Girondins.
    L’abbé se leva et prit dans un carton une lettre qu’il lut à la baronne.
    Sur cette lettre, Louis Blanc a fait la lumière.
    Dans l’embarras où l’on était, dit-il, on inventa une lettre où la main du faussaire se reconnaît rien qu’au luxe inusité des précautions prises pour la faire croire authentique. On l’avait intitulée « Lettre adressée à Châlier, d’Oberstad, le 22 mai 1793, timbrée de Reinhausen, taxée de vingt sols, et arrivée le lendemain de l’arrestation de Châlier. »
    Elle était supposée écrite au tribun lyonnais par un émigré qui l’engageait à se couvrir toujours du voile du patriotisme pour mieux servir la cause des rois et l’informait que « son projet » avait été fortement goûté du prince. Pas de nom, cela va sans dire et, pour toute signature, Mis… de Saint-V…
    Il était difficile de recourir à un expédient plus grossier   ; mais les royalistes mirent un art infini à propager cette calomnie. Ils la mêlèrent à des exhortations patriotiques   : ils lui donnèrent du poids en la glissant dans des adresses qu’appuyaient les lettres pastorales de l’évêque constitutionnel de Lyon, Lamourette   ; elle figura sous les mots sacramentels   : République, Liberté, Égalité, inscrits en tête de placards dont on inondait les campagnes. »
    Telle était la lettre que montrait Roubiès à la baronne.
    Lorsque celle-ci eut terminé la lecture de cette lettre, elle dit à l’abbé   :
    – Avouez qu’un bon faussaire est un homme des plus utiles. Le nôtre est très fort. Il m’a fabriqué des lettres que Saint-Giles a cru recevoir de sa mère et voici une pièce qui est un chef-d’œuvre.
    – Baronne, notre homme est un ex-notaire qui « ramait sur les galères » à Toulon   ; c’est l’amiral qui, sur ma demande, me l’a envoyé.
    – Avec cette lettre, dit la baronne, vous déshonorerez Châlier aux yeux des

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