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La Bataillon de la Croix-Rousse

Titel: La Bataillon de la Croix-Rousse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Noir
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d’imprudence.
    Aussi avait-elle pris ses précautions.
    Tout d’abord, dans la maison où elle était détenue, sœur Adrienne avait retrouvé sa supérieure et la communauté.
    Elle était donc en bonnes mains et bien gardée sous tous les rapports.
    Inutile de dire que, depuis le 20 mai, la supérieure et la petite communauté des Brotteaux ne couraient plus aucun danger.
    Tranquille pour la sûreté de sœur Adrienne en prison, la baronne avait eu l’idée de constituer à dom Saluste, pour le voyage, une surveillante   ; nous avons vu que son choix s’était arrêté sur M me  Adolphe.
    Excellent choix   !
    M me  Adolphe avait du reste été placée chez la supérieure auprès de sœur Adrienne.
    Cette Auvergnate avait encore l’intelligence, du moins le flair subtil des choses et des gens.
    Stylée par la baronne, elle avait parfaitement compris son rôle, et elle le joua très bien.
    Sœur Adrienne accueillit avec reconnaissance cette fille qui l’avait protégée.
    M me  Adolphe lui raconta que l’on avait voulu la jeter à l’eau   ; qu’elle avait failli être noyée pour sœur Adrienne   : que depuis, elle avait, disait-elle, reconnu les prêtres et leur séquelle pour être de la canaille   ; elle les exécrait donc.
    Bien entendu, ces confidences se faisaient à voix basse. Sœur Adrienne était droite et naïve.
    M me  Adolphe lui disait qu’elle voulait la sauver, elle crut à sa sincérité.
    L’Auvergnate bien manœuvrée, bien stylée, fit merveille.
    Elle prépara le jeu de dom Saluste.
    – Cet Espagnol, disait-elle à sœur Adrienne, vous porte de l’intérêt, il m’a placée près de vous pour que la supérieure ne vous fasse pas de misères. J’ai idée que, lui aussi, en a assez de la religion et qu’il pense comme moi et comme vous.
    – Croyez-vous   ? demandait sœur Adrienne.
    – Vous vous êtes bien convertie à la République, moi aussi   ! disait l’Auvergnate. Pourquoi ne ferait-il pas comme nous   ?
    L’affaire, conduite avec art, réussit au mieux.
    Dom Saluste laissa échapper des réflexions qui préparèrent le terrain   : tantôt il disait   : « Vraiment, c’est une horreur de penser que la religion ordonne tant de crimes ».
    D’autres fois, après avoir raconté certains traits de l’Inquisition, il s’écriait   : « C’est à douter de Dieu lui-même ».
    Alors sœur Adrienne lui prêchait les théories révolutionnaires, du moins le peu qu’elle en connaissait.
    Il semblait se laisser convaincre chaque jour davantage.
    En même temps, il remettait à sœur Adrienne de prétendues lettres de son fiancé.
    Il était censé porter à Saint-Giles les réponses de sœur Adrienne.
    Cette fausse correspondance, conduite et inspirée par la baronne, était un coup de maître   ; elle écartait tout soupçon, d’amour de la part de dom Saluste   : elle le posait en intermédiaire approuvé, recommandé par Saint-Giles.
    Il affirmait voir souvent celui-ci le protéger, s’intéresser beaucoup à lui   : il en parlait avec une chaleureuse amitié, ce qui enchantait sœur Adrienne.
    Il racontait de prétendus entretiens, des discussions philosophiques et paraissait frappé des arguments que Saint-Giles avait employés pour la convaincre.
    Un jour, il arriva rayonnant et déclara que c’était fini, que désormais il serait républicain.
    Puis, brusquement, il avertit sœur Adrienne qu’il avait exposé à Saint-Giles un plan d’évasion pour elle et qu’il allait le méditer   ; il devait avoir bientôt une réponse.
    – Mais lui   ? demanda-t-elle.
    – Il est détenu, mais il ne court aucun danger, répondit-il. Du reste, il a fait avec d’autres prisonniers un projet de conspiration et ils fuiront tous ensemble au moment favorable. Avant un mois, il viendra vous retrouver.
    Avec une onction hypocrite   :
    – Je serai alors un prêtre républicain assermenté. Je bénirai votre union avec une joie infinie dans une église de Paris.
    Elle crut à cette espérance et y sourit.
    Elle s’inquiétait de M me  Saint-Giles.
    – Elle est en sûreté à Mâcon   ! répondait-il.
    Et M me  Adolphe confirmait ces mensonges.
    La pauvre Adrienne apprit le lendemain que Saint-Giles approuvait le plan de dom Saluste   : il lui écrivait pour lui recommander d’avoir une foi aveugle dans son sauveur.
    La lettre, très tendre bien entendu, se terminait par cent baisers et un rendez-vous à un mois au plus tard.
    Sœur Adrienne

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