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La Bataillon de la Croix-Rousse

Titel: La Bataillon de la Croix-Rousse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Noir
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elle pensa   :
    – Voilà une nuit perdue, et qui sait combien d’autres nuits d’amour sa rage patriotique me laissera.
    Elle était furieuse.
    Mais aussi pourquoi diable l’avoir laissé se pendre   ?…
    Une heure avant le jour, le geôlier vint réveiller la baronne et lui apporter un costume de paysanne provençale pour elle et un autre de paysan pour Saint-Giles. Il servit en même temps une collation et se retira.
    Tout était convenu entre elle et le geôlier d’une façon précise   : elle savait ce qui lui restait à faire et elle s’habilla promptement, puis elle appela Saint-Giles.
    – Tu te souviens, j’espère, dit-elle, que tu as pris l’engagement de me conduire à Marseille   ?
    – Oui   ! dit-il, et je sais tenir une promesse   : vous l’avez vu.
    – Ah   ! Saint-Giles, fit-elle, je vois que vous ne m’aimez plus   : vous venez, mais par humeur et point par tendresse.
    Il était incapable de feindre.
    – Vraiment, s’écria-t-il, je vous admire. Parce que j’ai eu cette faiblesse de me laisser séduire dans cette prison, croyez-vous donc que je n’en ai pas éprouvé l’amer repentir. Je n’ai qu’une excuse   ; vous résister était impossible.
    – Ah   ! fit-elle, ceci, au moins, est galant.
    – Ma conscience m’absout   ! continua-t-il. Dans les circonstances où je me suis trouvé, tout homme aurait succombé. Mais je n’en déplore pas moins ce qui s’est passé.
    – Oh   ! Saint-Giles   ! Saint-Giles   ! protesta-t-elle.
    – Eh, fit-il, ne savez-vous pas que nos armées sont aux prises avec l’ennemi, que chaque jour des milliers de Français tombent sur les champs de bataille, que la place de tout homme de cœur est sous les drapeaux, que tout ce qui est valide et viril se jette dans la fournaise allumée sur nos frontières par la coalition et dans cinquante départements par la trahison.
    Avec désespoir   :
    – Et moi, ici, je charmais les ennuis d’une captivité trop douce en chiffonnant vos jupes   ! J’aurais dû vous repousser, subir avec dignité mon sort quel qu’il fût, vous repousser surtout, vous repousser avec énergie, car la trahison qui perd la France, la trahison qui secoue les torches de la guerre civile sur le territoire sacré de la patrie, la trahison c’est vous.
    S’adoucissant   :
    – Je vous l’ai dit   : mon excuse, c’est ma jeunesse et votre charme invincible. Mais je veux briser ma chaîne   ! Partons   ! partons vite   ! Gagnons Marseille   ; là, je vous dirai un éternel adieu et j’irai laver ma faute dans mon sang, car c’est une honte pour Saint-Giles d’être l’amant d’une aristocrate qui est l’espionne de nos ennemis   !
    – Mais, malheureux, je te sauve et tu m’injuries   ! Un galant homme a-t-il jamais le droit d’insulter une femme   ?
    – Vous n’êtes pas une femme, mais un démon   ! dit Saint-Giles. J’ai eu tort cependant de vous parler trop nettement. Mais quand on voudrait avoir cent existences pour les donner à la France, on peut dans sa colère se laisser aller à des emportements regrettables.
    Il lui prit la main et la baisa.
    – Quel malheur, dit-elle, que je ne sois point née petite ouvrière dans une masure de la Croix-Rousse en face de toi. Tu m’aurais aimée   !
    Puis en soupirant   :
    – Il est trop tard maintenant pour te conquérir en changeant de parti, mais si la chose avait été possible, Saint-Giles, cette folie je l’aurais faite.
    – Ah, s’écria-t-il souriant, voilà une parole qui me réconcilie presqu’avec vous.
    – Viens   ! dit-elle. Viens   ! L’heure passe   ! Puisqu’il y a une fatalité qui nous pousse, allons à notre destin. Qui sait   ! Un jour peut-être viendra où nous pourrons nous aimer sans que la politique vienne à la traverse de notre tendresse.
    – Vous oubliez donc   ? fit Saint-Giles rappelant le souvenir d’Adrienne.
    La baronne baissa la tête, poussa un soupir, murmura un regret et, sortant de cette cellule où elle avait eu des nuits si heureuses, elle lui fit signe de la suivre et de se taire.
    En traversant Lyon, Saint-Giles fut tristement frappé de l’aspect de la ville.
    Tout le long des rues, les pionniers qui avaient travaillé la nuit aux retranchements, redescendaient en longues files   ; d’autres files interminables s’allongeaient vers les redoutes pour le labeur du jour   ; puis c’étaient des patrouilles, des perquisitions à domicile pour désarmer les

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