La Bataillon de la Croix-Rousse
dont son oncle avait eu connaissance, et celle de sœur Adrienne.
Éclairé sur la conduite de la baronne, il éprouva une indignation profonde contre elle.
Trompé, il se sentit dégagé de la promesse qui lui avait été imposée.
Dans sa généreuse ardeur, il voulut partir sur le champ pour la ville républicaine la plus voisine car, Avignon était au pouvoir des royalistes.
Il emprunta quelques louis à son oncle ; il avait sur lui le passeport royaliste que lui avait procuré la baronne, il pouvait sortir par une des portes ouvertes la nuit, mais surveillées.
Il embrassa son oncle qui lui demanda :
– Que vas-tu faire ?
– Lever le Bataillon de la Croix-Rousse, dit-il, en faisant appel à tous les Jacobins de Lyon désarmés, me mettre à leur tête, vaincre ou mourir et délivrer ma mère et ma fiancée en délivrant Lyon de la faction royaliste.
– Va ! dit l’oncle avec la simplicité de cette époque.
Lui aussi était un patriote !
Il avait envoyé trois fils à l’armée : deux étaient déjà tués.
Saint-Giles partit donc.
Mais la pensée que sa mère avait été jetée dans une prison infâme lui donna une inspiration cruelle.
Il écrivit à la baronne l’adieu suivant, terriblement insultant dans son laconisme :
« Je sais tout, salope. »
Non, il ne savait pas tout.
Il croyait Adrienne en prison.
Le Cincinnatus de Lyon
Depuis le commencement du mois d’août, Lyon développait une activité inouïe dans ses travaux de défense.
Lorsque, le 18 août 1793, l’avant-garde de l’armée républicaine d’observation se détacha en avant et vint se mettre en position devant la ville rebelle qui ne fut cernée complètement que plus tard, cette avant-garde trouva la place couverte par des ouvrages redoutables et qui avaient surgi de terre avec une prodigieuse rapidité.
Cette défense improvisée était due à l’homme qui fut le héros de ce siège, à de Précy, dont la caractère n’a pas été compris par les républicains qui l’ont accablé d’opprobre.
De Précy était un de ces gentilshommes qui voulaient la monarchie constitutionnelle comme Lafayette, lequel ne fut jamais républicain et ne le prouva que trop en nous donnant la monarchie bâtarde des d’Orléans après les journées de 1830 et en affirmant à la France que c’était la meilleure des républiques.
Lafayette, plus connu, plus célèbre que de Précy, semble avoir été le modèle de celui-ci. Étudier Lafayette, c’est faire comprendre de Précy.
Lafayette était ce que l’on a si justement appelé un marquis libéral, dévoué à la fois aux idées de réforme et à son roi.
On sait comment il vint protester contre le 10 août, comment il menaça de marcher sur la Convention avec son armée, comment cette armée refusa de le suivre et le força à émigrer.
On cria à la trahison.
Lafayette était si peu traître, si haï des nobles, que les émigrés obtinrent qu’il fut jeté par l’Autriche dans un cachot où pendant de longues années il subît d’indignes traitements.
Lafayette et nombre de gentilshommes avec lui avaient voulu 89 ; ils répudiaient 92 et maudissaient 93.
Ils se trompèrent en croyant possible à cette époque, d’abord la Royauté Constitutionnelle, puis la République modérée des Girondins, le roi étant mort.
Ils se trompèrent car leur rêve était d’une réalisation impossible et les royalistes constitutionnels comme les républicains et les Girondins auraient perdu la France.
Mais du moins étaient-ils sincères et croyaient-ils assurer le bonheur du pays.
Lafayette explique de Précy, c’était le même type de gentilhomme dans le même courant d’idées.
Le malheur de de Précy fut d’avoir été entraîné à prendre le commandement de Lyon : le tourbillon l’enveloppa et il fut emporté par les nécessités de la situation, à tolérer les intrigues des hommes comme Roubiès qu’il sentit plus fort que lui ; il déplora peut-être cette fatalité qui l’associa à des hommes pactisant avec l’étranger et la fatalité plus terrible encore qui l’obligeait à faire plus tard entrer ce secours de l’ennemi dans ses calculs : ainsi, un jour de désespoir, quand il voyait son armée réduite, dix mille hommes voués à une mort expiatoire si la Convention triomphait, il s’écria, comme on lui parlait d’une marche en avant des Anglais :
« Que le diable lui-même nous sauve et j’accepterai son
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