La Bataillon de la Croix-Rousse
épée et l’âge amorti son feu ; que la guerre civile répugnait à son âme, que c’était un remède extrême qui perdrait plus de causes qu’il n’en sauverait ; qu’en s’y précipitant on ne se réservait d’autre asile que la victoire ou la mort ; que les forces organisées de la Convention dirigées sur une seule ville écraseraient tôt ou tard Lyon ; qu’il ne fallait pas se dissimuler que les combats et les disettes d’un long siège dévoreraient un grand nombre de leurs concitoyens, et que l’échafaud décimerait les survivants. »
« Nous le savons, répondirent les négociateurs de Lyon, mais nous avons pesé dans nos pensées l’échafaud contre l’oppression de la Convention, et nous avons choisi l’échafaud.
– Et moi, s’écria de Précy, je l’accepte avec de tels hommes ! »
Il reprit son habit suspendu aux branches d’un poirier, rentra pour embrasser sa jeune femme, prendre ses armes cachées depuis dix-huit mois et suivit les Lyonnais.
À son arrivée, il se revêtit de l’uniforme civique, arbora la cocarde tricolore et monta à cheval pour passer l’armée municipale en revue.
Les bataillons de troupes soldées et de gardes nationaux, rangés en bataille sur la place Bellecour pour reconnaître le général, saluèrent de Précy d’unanimes acclamations.
Le choix de de Précy comme général en chef était très habile : il satisfaisait les royalistes et n’offusquait point les Girondins.
Ce gentilhomme, non émigré, cet émule de Lafayette, cet ancien officier royaliste constitutionnel, autrefois bon républicain modéré, aujourd’hui qui se présentait avec la cocarde tricolore, de Précy, enfin, était le général qu’il fallait à Lyon.
Roubiès ne s’y était point trompé et l’avait choisi de main de maître.
Mais il lui donna de sa main un lieutenant qui était tout prêt à remplacer son général, lorsque celui-ci, après la victoire, après la proclamation d’un roi absolu, se sentirait dupé et serait forcé de disparaître.
Cet homme était le comte de Virieu.
Ainsi, de l’aveu même de Lamartine, les Girondins étaient menés par les royalistes.
Nous verrons comment le héros du siège survécut à un des massacres les plus impitoyables dont l’histoire des guerres civiles ait conservé le souvenir et comment de Virieu disparut dans une trombe de feu, sans que jamais on put retrouver sa trace.
Le siège de Lyon est rempli de ces tragiques incidents.
Un général sous la République
Nous venons de voir quel général allait commander les Lyonnais, voyons quel général, était à la tête des républicains.
Le 8 Août, arrivait au château de la Pape, sur les bords du Rhône au Nord de Lyon, l’avant-garde des sans-culottes, comme appelaient dédaigneusement nos soldats les émigrés français qui combattaient la patrie.
Cette avant-garde était détachée de l’armée des Alpes avec laquelle Kellerman défendait les défilés de la Savoie contre les Piémontais, les Autrichiens, les Savoyards insurgés.
Avec cette audace qui caractérisa son mâle génie, la Convention préféra dégarnir cette frontière des Alpes, affaiblir encore cette armée si faible déjà de Kellermann que laisser Lyon braver ses décrets.
Écraser à tout prix la révolte de la seconde ville de France et marcher ensuite à la frontière au secours de l’armée des Alpes laissée en détresse, telle fut la conception militaire de la Convention.
Il s’était formé dans les camps un esprit militaire hostile à l’esprit civil de la Convention qui voulait des armées de citoyens modelées sur celles des grandes époques de la République romaine qui eut les meilleurs soldats du monde.
Dans ces armées, le soldat est encore, est toujours un citoyen ; ce n’est ni le mercenaire soldé qui fera bon service au plus offrant, ni le militaire désigné par le sort qui sera séquestré pendant sept ou huit ans du reste de la nation : c’est un homme libre qui s’est soumis à la discipline pour repousser l’ennemi, lui imposer la paix et reprendre ensuite ses droits de citoyen en déposant ses armes.
Tels étaient les soldats de la Convention.
Un général préfère avoir sous la main des baïonnettes inintelligentes qui ne raisonnent pas et dont il peut faire les instruments de son ambition. Lors même qu’il ne nourrit pas de projets politiques, le général qui a fait sa carrière dans l’état militaire, aura
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