La Bataillon de la Croix-Rousse
seul coup, sinon nous reculons, et c’est une honte. Donc, il faut franchir ces murs, prendre la maison Danton et prouver à l’ennemi que nous pourrions enlever son canon, s’il l’établissait sur cette terrasse. Or, voilà que la pièce s’ébranle, et il est temps d’agir.
Avec un sourire superbe !
– Citoyen général, quiconque réalise l’impossible étonne, je vais t’étonner.
Et il redescendit.
– Eh bien, général, demanda Dubois-Crancé, qu’en pensez-vous ?
– Je pense que si Saint-Giles réussissait, on pourrait dire qu’il a fait plus beau que le duc de Richelieu à l’escalade de Mahon.
– Et vous, lieutenant ?
– Moi, dit Mouton, je dis ; ça ne réussira pas. Je me défie des murs crénelés depuis que j’ai vu manquer tant d’entreprises pour un méchant mur percé de meurtrières. Mon bataillon a laissé trois cents hommes au pied d’un de ces méchants obstacles et nous étions d’autres copains que ces volontaires.
– Nous allons voir, dit Dubois-Crancé. Les voilà partis.
Saint-Giles venait de se mettre à la tête de son bataillon et il le conduisait en face du premier mur crénelé ; il put le dissimuler à deux cents pas du mur dans un de ces chemins creux qui abondaient dans ces parages.
Deux cents pas, c’était la bonne portée des fusils d’alors.
Tout à coup, on vit s’élever, à vingt pas environ du fossé, une fumée très épaisse qui s’étendit et forma comme un nuage intense ; au milieu de cette fumée, on ne distinguait rien, sinon qu’elle s’étendait et s’avançait rapidement vers le mur.
Ça et là, des lueurs sombres à hauteur du sol.
L’ennemi tirait au hasard dans ce brouillard.
Quand la fumée vint battre le mur, on vit des grenades lancées à la main décrire leur courbe et retomber de l’autre côté du mur ; elles éclataient et faisaient des ravages parmi les défenseurs des retranchements.
Tout à coup des pétards éclatèrent et trois brèches s’ouvrirent.
Les Lyonnais durent s’enfuir derrière le second mur.
– Eh ! fit Dubois-Crancé, qu’en dites-vous ? Allumer des fusées donnant beaucoup de fumée et marcher à l’ennemi enveloppé de nuées, cela me semble une assez jolie combinaison.
– Par tous les diables, dit Kellermann, ils n’ont perdu que trois hommes.
On ne distinguait que trois hommes à terre.
Mouton tortillait ses moustaches et ne disait rien.
La fumée s’étant dissipée un instant, on vit que la troupe engagée se divisait en plusieurs groupes.
L’un portait des grenades, petites bombes fort dangereuses.
Un autre portait et allumait les fusées que Saint-Giles avait fait préparer par les artificiers de l’ennemi.
Un autre portait des pétards et des saucissons pour faire sauter murs et portes. Puis venaient les tirailleurs et la réserve.
Le second mur fut enlevé plus vite que le premier.
Le troisième fut à peine défendu.
Le procédé de Saint-Giles était si sûr que les Lyonnais comprirent l’inutilité d’une résistance.
Saint-Giles ne dépassa point d’abord le troisième mur : il s’abrita derrière, fit percer des créneaux et laissa souffler sa troupe.
Il avait eu soin d’établir des tireurs derrière les deux autres murs pour protéger sa retraite.
Du dernier mur, il fit fusiller la maison de Danton, recommandant une fusillade lente mais sûre contre la terrasse et les fenêtres ; puis il s’élança à la tête de ses compagnies et tourna la maison sans s’occuper de ses défenseurs.
Il apparut donc tout à coup à quelque cent pas de la troupe qui escortait la pièce en marche pour être mise en batterie.
Il surprit ainsi les grenadiers de Guillaume Tell qui, fusillés brusquement, se troublèrent car ils se croyaient bien protégés par la maison Danton et par les murs crénelés.
Ils ripostèrent toutefois, mais leur tête de colonne était déjà culbutée par une charge lorsque la pièce, enlevée par ordre de l’officier d’artillerie qui la conduisait, fut ramenée vers le cimetière.
Le bataillon de mariniers du port du Temple, se lançant au secours des grenadiers de Guillaume Tell, les dégagea et Saint-Giles ramena ses compagnies derrière le troisième mur crénelé.
Le combat était sans objet désormais.
Tout était prêt pour abattre les trois murs.
Saint-Giles, battant en retraite, les fit sauter successivement, démasquant la maison Danton, facile à prendre à revers.
Il
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