La Bataillon de la Croix-Rousse
regagna le chemin creux, puis son camp, où Kellermann et Dubois-Crancé l’embrassèrent devant toute l’armée.
Mouton lui-même déclara qu’il était étonné, mais il fit une réserve, parce que l’on avait vaincu plutôt par stratagème que par bravoure.
– Eh morbleu ! qu’importe ! dit Kellermann, Samson a dispersé les Philistins avec une armée de renards. Moi, j’ai les taupes de Saint-Giles, et j’estime qu’elles valent bien les renards du colosse juif.
Puis il ajouta :
– Puisque le bataillon de la Croix-Rousse est en permanence au feu, je le mets en permanence à l’ordre du jour de l’armée.
Telle fut la fameuse affaire de la maison Danton.
Dubois-Crancé risque sa tête et Kellermann compromet la sienne
Jamais l’histoire n’a donné un aussi grand exemple de pitié patiente et généreuse que celui par lequel Dubois-Crancé s’honora devant Lyon.
Lasse enfin de temporiser, la Convention gourmanda le zèle des représentants en mission et leur ordonna d’agir avec vigueur.
Et, cependant, au péril de sa tête, Dubois-Crancé voulut épuiser tous les moyens de conciliation ; il usa encore de ce qu’on pourrait appeler le petit bombardement, puis il tenta un suprême effort que Louis Blanc raconte en ces termes :
« N’y avait-il donc aucun moyen d’arrêter cette lutte fratricide ? Dubois-Crancé, tentant un dernier effort, écrit aux Lyonnais : “Pourquoi, si vous vous soumettez aux lois, douteriez-vous de l’indulgence de la Convention ? Ne dites pas que vous avez juré de mourir libres. Votre liberté ne peut être que celle que toute la France a jurée. Tout autre acte de liberté prétendue est une rébellion contre la nation tout entière.”
« Après treize heures d’attente, continue Louis Blanc, il reçut, pour toute réponse, la notification que les citoyens, obligés de se disperser pour le service du siège, ne voulaient plus correspondre eux-mêmes avec les représentants, et qu’il n’y avait plus d’autre moyen de s’entendre que de former un congrès de commissaires nommés de part et d’autre. »
Il n’y avait plus à hésiter, Dubois-Crancé avait inutilement risqué sa tête par ces temporisations et l’on verra que par la suite, il fut destitué et appelé devant la Convention pour faire juger sa conduite.
Il fallait donc renoncer à tout espoir, bombarder sérieusement, ne plus se contenter de l’avertissement du canon.
On prit des dispositions formidables.
Le 10 août, Dubois-Crancé écrit au Comité de Salut public dont maintenant Carnot fait partie.
Au quartier général de la Pape, le 16 août 1793, l’an 2 de la République une et indivisible.
« Les représentants du peuple envoyés près de l’armée des Alpes et dans les départements de Saône-et-Loire, Rhône-et-Loire et de l’Ain, au peuple de Lyon.
« Citoyens,
« Les présidents de sections nous proposent une nomination respective de commissaires, et en même temps ils nous déclarent que désormais le peuple de la ville de Lyon ne correspondra plus avec nous : on redoute une communication franche et loyale entre le peuple et ses représentants. Eh bien ! nous déclarons à notre tour que nous ne pouvons pas communiquer avec des autorités sans caractère, puisque les décrets de la Convention nationale s’y opposent. Nous ne connaissons que la loi, nous n’obéissons qu’à elle, et nous ne traitons jamais avec des fonctionnaires qui persistent à la méconnaître. Voilà notre dernier mot.
« Signé : Dubois-Crancé, Sébastien de La Porte, Gauthier et Claude Javognes. »
Mais avant de commencer le feu qui allait incendier Lyon, Dubois-Crancé épargnait à Kellermann la triste responsabilité d’un bombardement épouvantable.
Il envoyait le général à la frontière faire tête aux Piémontais.
La Convention ne fut pas dupe de cet arrangement et Kellermann, arrêté plus tard, subit une longue détention.
Il ne fut sauvé que par la chute de Robespierre en thermidor.
Dubois-Crancé, qui avait l’audace et la loyauté des responsabilités généreuses, avait cependant couvert Kellermann par la lettre suivante :
« Du 24 août 1793.
« Lettre au comité de Salut public.
« Citoyens nos collègues,
« L’invasion subite de la Tarentaise et de la Maurienne par les Piémontais, invasion continuée par la harde scélérate qui gouverne et domine Lyon, avait jeté la plus grande alarme dans le
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