La Bataillon de la Croix-Rousse
département du Mont-Blanc et ceux circonvoisins. Nous avons résisté aux clameurs et à l’opinion prononcée même par les généraux, qu’il fallait retirer les troupes de devant Lyon pour les reporter aux frontières ; nous avons toujours pensé que l’effort des Piémontais n’était qu’une ruse ou tentative pour former une diversion favorable aux Lyonnais : que le foyer de l’incendie était au centre de cette ville, et qu’en la réduisant nous anéantissions du même coup tous les ennemis de la République des Alpes aux Pyrénées : en conséquence nous avons accédé au désir de Kellermann de se transporter à l’embouchure des deux vallées pour y ranimer les troupes et leur indiquer des positions militaires, mais sous la condition qu’il serait de retour en trois jours. »
Puis, le lendemain, il annonce que Lyon sera sous peu de jours anéanti.
On sent que l’irritation du proconsul est arrivée au plus haut point ; cette lettre est inspirée par la colère, il y passe comme un terrible souffle de menace.
« Au quartier général, à la Pape, près Lyon, le 18 août 1793, l’an II de la république.
« Lettre au Comité de Salut public
« Citoyens nos collègues,
« Quoique notre lettre d’hier vous présente notre situation dans tout son jour, nous profitons d’un courrier que le général expédie à Paris pour ajouter quelques détails.
« La nuit dernière nous a beaucoup servi pour établir nos batteries.
« Les bombes sont prêtes, le feu rougit les boulets, la mèche est allumée, et si les Lyonnais persistent encore dans leur rébellion, nous ferons la guerre demain soir à la lueur des flammes qui dévoreront cette ville rebelle.
« Oui, encore quelques jours, et Isnard et ses partisans iront chercher sur quelle rive du Rhône Lyon existait.
« Un de nos collègues, Gauthier, part pour Chambéry avec le général Kellermann ; celui-ci reviendra dans trois jours. Nous avons cru cette mesure nécessaire afin d’empêcher les progrès des Piémontais qui ont déjà envahi une partie de la frontière. »
Kellermann partit donc, couvert par cette lettre.
Malheureusement, il commit d’autres imprudences, comme on le verra.
Le bombardement eut lieu.
L’entêtement inouï de Lyon fut soutenu par un courage sublime s’il n’eût été criminel contre la patrie.
Jamais ville ne supporta les horreurs d’un bombardement avec un pareil héroïsme.
L’auteur des Girondins, Lamartine, a retracé avec une fidélité saisissante le tableau de cette ville en flammes, restant ferme et intrépide sur ses ruines fumantes.
– Les batteries de Kellermann et celles de Vaubois, dit-il, firent pleuvoir sans interruption pendant dix-huit jours, les bombes, les boulets rouges, les fusées incendiaires sur la ville. Des signaux perfides, faits pendant la nuit par les amis de Châlier, indiquaient les quartiers et les maisons à brûler. Les boulets choisissaient ainsi leur but, les bombes éclataient presque toujours sur les rues, sur les places et sur les demeures des ennemis de la République.
Pendant ces nuits sinistres, le quai opulent de Saint-Clair, la place Bellecour, le port du Temple, la rue Mercière, immense avenue de magasins encombrés de richesses de la fabrique et du commerce, s’allumèrent trois cent fois sous la chute et l’explosion des projectiles ; dévorant dans leur incendie les millions de produits du travail de Lyon, et ensevelissant, dans les ruines de leurs fortunes, des milliers d’habitants.
Ce peuple, un moment épouvanté, n’avait pas tardé à s’aguerrir à ce spectacle. L’atrocité de ses ennemis ne produisait en lui que l’indignation. La cause de la guerre, qui n’était d’abord que la cause d’un parti, devint ainsi la cause unanime. Le crime de l’incendie de Lyon parut aux citoyens le sacrilège de la République.
On ne comprit plus d’accommodement possible avec cette Convention qui empruntait l’incendie pour auxiliaire, et qui brûlait la France pour soumettre une opinion.
La population s’arma tout entière pour défendre jusqu’à la mort ses remparts. Après avoir dévoué ses foyers, ses biens, ses toits, ses richesses, il lui en coûtait peu de dévouer sa vie. L’héroïsme devint une habitude de l’âme. Les femmes, les enfants, les vieillards s’étaient apprivoisés en peu de jours avec le feu et avec les éclats de projectiles. Aussitôt qu’une bombe décrivait sa courbe sur un
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