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La Bataillon de la Croix-Rousse

Titel: La Bataillon de la Croix-Rousse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Noir
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sera arrivé. Ils ronfleront comme des sourds pendant la procession, car on mêlera de l’opium à leur vin. Ils trouveront chacun un écu de six livres dans leurs poches en reprenant leurs sens et ils seront enchantés.
    En effet, un Auvergnat qui, par ce temps-ci, se sent en poche un écu sur lequel il ne comptait pas, se garderait bien de souffler mot dans la crainte que quelqu’un lui réclamât cet argent.
    – Maintenant, sergent, procédons par ordre.
    Et énumérant   :
    – Primo, je me charge des Auvergnats qui complèteront le défilé des ivrognes.
    « Secundo, vous vous occupez de faire semer six de nos Carmagnoles ivres sur différentes places de la ville, expliquant que ce sont les croque-morts de la guillotine, des gendarmes de l’emprunt forcé, trouvés ivres-morts dans les caves des gens chez qui ils perquisitionnent.
    « Tertio, vous chargez en Romaney, l’homme aux détails, de régler la cérémonie du cortège.
    « Quarto, enfin, il faut trouver un Saint-Giles pour peindre les scènes d’orgie en caricatures sur les bannières.
    – Madame, dit Suberville, vous résumez un plan avec autant de clarté que César dans ses Commentaires.
    Et, baisant la main de la baronne, il se retira.
    Un homme qui fut bien étonné le lendemain de cette nuit si mouvementée, ce fut la Ficelle.
    Il avait senti qu’il s’endormait chez M me  Leroyer, sur une marche de l’escalier de la cave, et il se réveillait au milieu d’une foule hostile, massée, place Bellecour, autour de lui.
    La Ficelle devait, à sa petite taille et à sa minceur, d’avoir été compris dans les six prétendus ivrognes que l’on avait résolu de transporter du fond de la cave sur les places.
    – Prenons celui-ci, il n’est point lourd, s’étaient dit les gardes nationaux chargés de cette besogne.
    Et c’est ainsi que, la bouche pâteuse d’un contrepoison qu’on lui avait fait avaler pour qu’il s’éveillât au matin. La Ficelle se trouva au milieu de six cents personnes qui manifestaient pour lui une profonde mésestime.
    Il entendait vibrer des injures et des menaces.
    On vociférait autour de lui   :
    – Au Rhône, le gendarme de l’emprunt forcé   ! À l’eau, le croque-mort de la guillotine   !
    La Ficelle comprit qu’un grand danger le menaçait   : il eut l’énergie de rassembler ses idées, de retrouver ses forces, et il se leva encore chancelant.
    Il comptait se sauver par la langue et adresser au peuple une petite allocution mais sa langue, encore paralysée, ne voulait point tourner.
    Il en résulta qu’il balbutia des sons inarticulés.
    La foule se mit à rire   : heureusement, car elle était très montée.
    Ce que voyant, la Ficelle se dit qu’on ne jette pas à l’eau un bouffon, et, pour sauver sa tête, il fit la grimace au public, se livra à une mimique qui mit la foule de joyeuse humeur   : il put, dès lors, s’acheminer vers le Club des Jacobins, au milieu des huées, mais sans recevoir des horions.
    En chemin, il avait retrouvé toute sa présence d’esprit   : arrivé au Club, toujours gardé, il cessa sa comédie, se plaça droit au milieu de ses camarades et cria à la foule   :
    – Je n’étais pas ivre   ! On m’avait empoisonné.
    Mais une immense clameur couvrit la voix de la Ficelle.
    Monte-à-Rebours, qui faisait son service, la tête bandée, dit à son subordonné   :
    – Rentre   ! Nous attendons Châlier. Tu lui expliqueras ton affaire. Inutile de provoquer ces gens-là   !
    Et la Ficelle qui ne tenait pas à batailler avec deux ou trois mille individus, disparut dans le Club.
    La foule se dispersa peu à peu   : mais, sur différents points de Lyon, cette scène se reproduisit et les esprits se montèrent contre les Jacobins, si bien que l’idée d’une grande manifestation, idée lancée par les royalistes, prit comme une traînée de poudre.
    Tel était le génie machiavélique des monarchistes, à Lyon, en mai 1793.
    Pour se rendre compte de certains faits se passant aux époques révolutionnaires, il faut avoir soi-même traversé une de ces crises.
    À première vue, il semblerait étrange qu’un fifre de la garde nationale girondine s’engageât dans le quartier de la Croix-Rousse, où l’élément jacobin dominait.
    Mais il n’y avait pas encore eu de combats   : la situation nettement dessinée entre les partis, n’avait pas encore abouti à l’effusion du sang   ; on n’était pas enfin en état de guerre civile.
    Dans

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