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La Bataillon de la Croix-Rousse

Titel: La Bataillon de la Croix-Rousse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Noir
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peuple que sous forme de laquais et de vassaux, la baronne qui ignorait l’ouvrier et surtout l’ouvrière fut surprise et touchée.
    Le sentiment de son infériorité morale s’imposait déjà à elle et lui pesait.
    Il fallut parler.
    Elle se sentait intimidée, elle qui ne l’était jamais.
    M me  Saint-Giles trouva très naturel l’embarras de ce tout jeune soldat et lui demanda   :
    – Que voulez-vous, mon ami   ?
    – Madame, dit la baronne, je désirerais parler au citoyen Saint-Giles.
    – Mon enfant, c’est impossible. Le médecin a défendu de laisser pénétrer jusqu’à lui, qui que ce fût. Je n’ai même pas consenti à recevoir les membres du comité qu’on voulait envoyer près de lui en délégation.
    La baronne qui avait repris tout son aplomb s’écria   :
    – Oh tant mieux   ! le docteur sera content de savoir que les ordres qu’il a donnés sont si bien exécutés. Mais, pour moi, il y a exception. Je viens de sa part, et à moins que le citoyen Saint-Giles ne dorme, je dois lui dire, entre hommes, quelque chose de très-important, que le docteur a oublié de lui recommander.
    – Bien, dit simplement M me  Saint-Giles, nature trop droite, pour soupçonner le mensonge.
    Et à l’aîné de ses fils, elle dit   :
    – Ernest, monte à l’atelier, retire tes chaussures et vois si ton frère dort.
    L’enfant se hâta d’obéir.
    En s’en allant, il jeta un regard sympathique au petit soldat qui lui sourit.
    Ernest se sentit tout de suite de la sympathie pour le fifre   : car, expert déjà en choses militaires, au galon du col, il avait reconnu l’emploi.
    Ce galon, la baronne s’était empressée de le faire coudre, pour être bien et dûment fifre de la compagnie.
    Ernest parti, la baronne posa quelques questions à M me  Saint-Giles.
    – Madame, fit-elle, j’espère que le docteur, en me disant que votre fils guérirait vite, ne s’est pas trompé   ? Le blessé va-t-il bien   ?
    – Je crois que ce ne sera rien, dit M me  Saint-Giles. Franchement, il serait malheureux qu’il mourût pour une émigrée, mieux vaudrait mourir pour la patrie   !
    – Mais, citoyens, ce n’est pas une émigrée qu’il a défendue   ! dit la baronne qui avait tout intérêt à ne pas avouer la vérité.
    Et comme le bedeau l’avait fait prévenir par Suberville de la fable qu’il avait imaginée, la jeune femme la répéta mot pour mot à M me  Saint-Giles.
    – Mais alors, s’écria celle-ci étonnée, le comité central se trompe.
    – Absolument. La petite baronne, comme nous l’appelons, est ma cousine germaine.
    – J’aime mieux que mon fils ait défendu une ouvrière qu’une vraie baronne, dit M me  Saint-Giles. Une ouvrière est utile au pays et elle travaille   ; une baronne, ce n’est bon à rien.
    M me  de Quercy tressaillit sous cette rude apostrophe lancée sans la viser mais qu’elle recevait en pleine poitrine.
    Le petit Ernest redescendit.
    – Mon frère dort, dit-il.
    – Alors, si je ne vous gêne pas, citoyenne, dit la baronne, j’attendrai son réveil, car ce que j’ai à lui dire importe pour qu’il ne fasse pas d’imprudence.
    – Vous allez boire un verre de notre vin en espérant qu’il se lève, dit M me  Saint-Giles   : nous avons encore près de cent bouteilles de notre clos.
    – Ah vous avez un clos   ?
    – Oui dit-elle.
    Et elle fit signe à son fils d’aller à la cave.
    Ernest fila comme un trait   ; il comptait trinquer avec le petit soldat.
    – Oui, reprit M me  Saint-Giles, avec une fierté qui parut d’abord singulière à la baronne, nous avons un clos   ! Nous avons même une petite maison dans le clos et depuis peu nous avons même acquis un verger, un potager et des terres. C’est mon Giles qui a gagné tout cela. Il est vrai que nous avons payé en assignats.
    – Ce sont donc des biens d’émigrés   !
    – Oui   ! Et il est bien juste que des Français qui trahissent la France, qui attaquent leur pays, il est bien juste, n’est-ce pas, que ces gens-là perdent leurs terres.
    – Je suis sûre, dit la baronne en riant, qu’ils ne sont pas de votre avis.
    – Mais, cependant, c’est juste   ! Nos fils se feraient tuer pour défendre la terre de France, et, eux, les émigrés, reviendraient posséder cette terre chaude encore du sang de nos enfants   ! Non, ce n’est pas possible.
    La baronne pensa   :
    – Eh mais, voilà un argument auquel il est difficile de

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