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La Bataillon de la Croix-Rousse

Titel: La Bataillon de la Croix-Rousse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Noir
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Saint-Giles des débauches précoces   : la misère avait trempé son caractère   ; son âme s’était épurée par le sacrifice.
    C’est ainsi que se forment les grands artistes.
    Saint-Giles avait le droit d’aspirer à une gloire plus sérieuse que celle qu’il avait acquise.
    L’atelier de Saint-Giles était au quatrième étage.
    Il avait voulu y être transporté   ; pour mieux dire, il y était monté, car la plaie débridée, il avait pu marcher facilement.
    Le docteur avait dit vrai   : les blessures n’offraient aucune gravité et le jeune homme pouvait espérer de sortir après quelques jours de repos.
    Seulement, le docteur, prévoyant les importuns, avait recommandé à la mère du blessé d’interdire à qui que ce fût, même aux intimes, l’accès de son atelier.
    Il en était résulté que Saint-Giles s’était endormi et qu’il s’était mis à rêver sous l’agitation d’une légère fièvre.
    Il se revoyait sur le quai de la Saône, défendant une jeune femme   : mais au lieu que ce fût une petite ouvrière, c’était une grande dame d’une beauté très provocante.
    Et, en rêve, Saint-Giles en devenait très amoureux.
    À peine avait-il entrevu la baronne   ; à peine avait-il pu distinguer ses traits   ; cependant, il se rappelait très bien son costume de petite ouvrière.
    Aussi quand il s’éveilla en sursaut, ce qui arrive souvent dans les sommeils fiévreux, se moqua-t-il de son rêve.
    – Ce que c’est que d’avoir de l’imagination, se disait-il, voilà que j’ai sauvé une princesse comme dans les romans. Et moi, démocrate, ça me flatte… en songe. Au fond, nous sommes tous des aristocrates. Le citoyen David, peintre ordinaire de la république, a dit que les artistes ne feraient jamais de bons sans-culottes   : il a raison.
    Et il se rendormit en murmurant   :
    – Est-ce bête   ? Une princesse   !
    Mais il refit bientôt le même rêve, compliqué d’incidents enchevêtrés les uns dans les autres et aboutissant à un cauchemar désagréable.
    Quand il en sortit, Saint-Giles ouvrant les yeux, se dit   :
    – Je me lève   ! Assez de princesses   ! C’est idiot vraiment.
    Il ne se doutait pas lui-même que la pénétration supérieure de l’artiste lui révélait le secret de la baronne, dans les veines de laquelle coulait une goutte de sang de France, Henri IV étant son ancêtre de la main gauche.
    Pendant qu’il dormait encore, la baronne frappait à la porte de l’appartement occupé par la famille   : un petit garçon vint lui ouvrir.
    – Maman   ! cria-t-il, c’est un soldat   !
    – Non, madame, dit la baronne en saluant militairement madame Saint-Giles. Ce n’est qu’un enfant de troupe.
    La baronne fit quelques pas et se sentit charmée par la vue de cet intérieur simple, modeste, mais riant.
    Une propreté exquise, des rideaux blancs, des enfants roses vêtus comme des enfants du peuple, mais n’ayant ni taches, ni trous, nets comme des cristaux rincés à l’eau claire.
    Les filles un peu coquettes, quelques rubans, un fichu de soie, un brin de dentelle.
    Tout cela à croquer.
    La baronne avait envie d’embrasser tout ce petit monde.
    C’était un élan de reconnaissance ardente pour le frère, élan qui se reportait sur la famille et auquel aidait la sympathie dont il eût été difficile de se défendre pour la mère et ses enfants.
    M me  Saint-Giles était le type de cette belle race de matrones lyonnaises, souche féconde et puissante d’une des plus robustes races de France.
    La baronne fut étonnée de se trouver en face d’une plébéienne, au front de laquelle il lui sembla voir briller une auréole, l’auréole de la chasteté d’une mère de famille qui, le père de ses enfants mort, lui garde l’éternelle fidélité.
    M me  Saint-Giles portait encore le deuil de son mari et voulait le porter jusqu’à la mort.
    Mais dans la gravité des regrets, rien qui sentit la prose.
    Elle ne parlait de son mari que pour honorer sa mémoire, sans se plaindre, sans jamais chercher la commisération, la pitié pour elle-même.
    Si l’on cherchait à lui adresser un compliment de condoléances, elle reportait au mort l’intérêt qu’on lui témoignait.
    – Oh moi, disait-elle, j’ai mon fils et tous ses enfants qui seront des hommes. Si le père pouvait les voir.
    La baronne qui ne connaissait de la bourgeoisie que les fournisseurs de Paris et de Versailles, la baronne qui n’avait vu de près le

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