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La Bataillon de la Croix-Rousse

Titel: La Bataillon de la Croix-Rousse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Noir
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c’était la charge d’Ernest, le second fils de M me  Saint Giles. Celle-ci voyant que le soldat réprimait son hilarité lui dit bienveillamment.
    – Eh   ! mon enfant, ris   ! Le polichinelle est drôle.
    Avec un soupir   :
    – À son âge, on ne comprend pas ce qu’il faut de sacrifices pour faire une révolution et l’on ne s’attriste pas du malheur des temps.
    Puis, souriant et d’héroïne redevenant mère, elle expliqua le polichinelle.
    – C’est une fantaisie de Lucien, dit-elle. Il a fait la charge de tous ses frères et de toutes ses sœurs   : il appelle ainsi à son atelier celui ou celle dont il a besoin.
    – L’idée est originale, dit la baronne gaiement.
    Elle était enchantée de changer de sujet de conversation, la grandeur d’âme de cette mère républicaine écrasait les petites idées de petits dévouements au roi, de petites glorioles et de faveurs à gagner, qui faisaient le fond de l’honneur monarchique.
    M me  Saint-Giles, du reste, n’était pas femme à faire du lyrisme par pose. Elle descendait des plus hautes cimes de la pensée avec simplicité comme elle s’y élevait sans efforts.
    – Ernest, dit-elle, va prévenir ton frère que quelqu’un désire lui parler de la part du docteur.
    Ernest qui semblait avoir l’agilité du singe, regrimpa trois étages et redescendit annonçant que son frère attendait le citoyen fifre.
    La baronne, à cette invitation, éprouva un trouble dont elle s’étonna.
    – Suis-je donc devenue si reconnaissante   ? se demanda-t-elle. Et les beaux sentiments de ces gens-là me gagneraient-ils   ?
    Tout aussitôt elle pensa   :
    – Espérons que non car tout ceci est bien ridicule.
    À cette époque comme aujourd’hui, le ridicule tuait en France. Il tuait indistinctement les bons et les mauvais sentiments.
    Étrange nation que la nôtre.
    La mode y est reine.
    Le jour où il est de mode de se moquer des patriotes les plus purs, les plus héroïques, on les tue d’un mot de Vaudeville   : chauvins   ! Quand on a dit chauvin, à ces époques néfastes, on a tout dit.
    Et l’homme ridiculisé se tait.
    La baronne de Quercy était une intelligence, peut-être même un cœur.
    Elle avait été touchée, attendrie, fascinée par la splendeur de cette grande âme de femme qui venait de se développer devant elle.
    Les fibres secrètes de ce merveilleux tempérament avaient tressailli. Pendant un instant, la durée d’un éclair, elle s’était demandé si elle ne jouait pas son rôle d’héroïne à contre-sens   ; elle venait d’être terrassée par une lueur fulgurante.
    Mais la baronne était femme   : elle eut la petitesse de songer aux éclats de rire des salons de Coblentz lorsqu’on y annoncerait aux émigrés qu’elle était devenue révolutionnaire comme Théroigne de Méricourt.
    Elle ne raisonna pas   ; elle n’entrevit même une conversion possible que très confusément   ; elle s’empressa de chasser de son esprit l’image importune.
    Elle était, du reste, préoccupée de l’émotion qu’elle éprouvait, d’autant plus vive qu’elle approchait de la porte de l’atelier.
    – Comme mon cœur bat   ! se dit-elle.
    Ernest ouvrit et dit avec la naïveté d’un gamin   :
    – Lucien, voilà le fifre   !
    Il s’effaça pour laisser passer la baronne.
    L’artiste, un peu pâle, était assis dans un fauteuil, et sa tête puissante par l’ossature, fine par l’expression des traits, léonine par l’encadrement des cheveux noirs et de la barbe en crinière, sa belle tête au nez d’aigle, aux courbes hardies, à la bouche aristophanesque, dont le rire moqueur était corrigé par la bienveillance du regard, cette tête, qui fit l’admiration des batailleurs républicains, produisit une profonde impression sur la jeune femme.
    Tout, du reste, la surprenait dans cet atelier que l’artiste s’était fait tailler à peu de frais dans le grenier de la maison.
    Larges châssis vitrés par lesquels la lumière pénétrait à flots, tentures de toile sur lesquelles l’artiste avait peint des chasses du Moyen-Âge, dans le style des vieilles tapisseries, plafond représentant la Liberté prenant son essor et passant sur le monde qu’elle émancipait, vue merveilleuse sur le ciel, la montagne et l’eau, tout révélait dans l’ensemble le goût d’un artiste pour ce qui est beau, large et grand.
    Et les détails   ! Ravissants   !
    Comme presque tous les peintres, Saint-Giles était

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