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La Bataillon de la Croix-Rousse

Titel: La Bataillon de la Croix-Rousse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Noir
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répondre.
    Puis, tout haut, imprimant un autre ton à la conversation   :
    – Mes compliments, citoyenne   ! vous voilà grosse propriétaire.
    – Oh non   ! juste de quoi vivre, et économiser sur les bonnes années, afin d’avoir quelque argent pour faire face aux mauvais jours. Mon fils n’aurait pas consenti à attendre un mois de plus pour nous faire plus riches.
    – Attendre   ?
    – Oui, attendre pour s’enrôler.
    – Comment   ! fils de veuve, exempté par les lois et les décrets, il veut partir à la frontière   ?
    – Mais je pense bien que si vous étiez assez fort pour porter un sac et pour faire étape, vous ne resteriez pas dans la garde nationale.
    – Non   ! Mais moi, je ne suis pas fils de veuve.
    – Mais la veuve, mon petit citoyen, n’a plus besoin de soutien   : nous avons tant et tant économisé que ce pauvre Lucien (c’était le prénom de Saint-Giles) va pouvoir partir.
    – Ma foi   ! dit étourdiment la baronne, à votre place, moi, je lui aurais fait croire que le magot n’était pas suffisant.
    – Moi… mentir… à Lucien… s’écria Madame Saint-Giles, oh   ! jamais   !
    Et elle reprit avec véhémence   :
    – Et non seulement je ne veux pas mentir, mais je ne veux pas voler un homme à la patrie et tricher lâchement les autre mères   ! On laisse leur fils aux veuves, mais la loi, pour être juste, devrait excepter les veuves riches   ; et, puisque Lucien nous a mis au-dessus du besoin, moi aussi j’ai hâte d’en finir avec toutes les formalités, je vais enfin réaliser – c’est l’affaire d’un mois – la somme nécessaire en écus, pour que tout ce petit monde-là vive.
    S’exaltant, sans un geste, mais la tête superbe et le front haut, elle dit   :
    – Si dans un mois mon enfant oubliait de partir, je le prendrais par la main et j’irais l’enrôler moi-même.
    Elle reprit   :
    – Vois-tu, petit, quand les autres mères me regardent et semblent dire   : « Elle est heureuse, celle-là », je suis honteuse. J’ai pourtant ma conscience pour moi   ; on ne laisse pas mourir de faim cinq enfants. Et je puis jurer que seule j’aurais mis le fusil aux mains de Lucien.
    Avec élan   :
    – Mais n’importe, je fais des jalouses et cela me pèse. Quand il sera parti, je le pleurerai mais j’aurai fait mon devoir et il fera le sien, j’en suis sûre. Il ne faut pas qu’une mère méprise son fils, il ne faut pas qu’un fils méprise sa mère. Je ne comprends pas comment l’on peut vivre sans s’estimer soi-même et sans le respect des autres. Si le mépris public tombait sur moi à bon droit, j’irais sur le pont Morand et je me précipiterais dans le Rhône.
    La baronne n’avait jamais entendu exprimer de pareils sentiments   : elle ne les avait jamais éprouvés.
    – Est-ce que décidément, se demanda-t-elle, le peuple ce serait quelqu’un. Monsieur de Gœthe avait donc raison à Valmy, en disant au roi de Prusse qu’une ère nouvelle se levait sur le monde.
    Et dans sa mauvaise humeur, elle posa cette question cruelle   :
    – Si on le tuait   ?
    – Depuis vingt siècles, répondit M me  Saint-Giles, les Français meurent pour les tyrans, il est temps qu’ils meurent pour la liberté.
    Et montrant son fils Ernest   :
    – Tenez, celui-ci aura votre âge à peu près dans deux ans, mais il sera plus fort que vous. Eh bien, si la guerre n’est pas finie, il partira. Si son frère est tué, il le remplacera. Si les rois font à la République une guerre de cinquante ans comme ils nous en menacent, pendant cinquante ans les mères s’arracheront les enfants des entrailles pour les jeter à la tête des rois. Il le faut. J’ai souffert d’une insulte qu’un noble a faite à mon mari et dont il n’a jamais pu obtenir raison. Il faut que nos enfants soient les égaux des plus grands seigneurs et, sous la loi, les plus hauts doivent être au niveau des humbles. Tout le sang qu’il faudra pour atteindre ce but, on le versera stoïquement.
    En ce moment, contraste étrange, l’ombre d’un polichinelle dansa devant la fenêtre.

Un artiste
    C’était bien un polichinelle suspendu par une ficelle et descendu d’un étage supérieur qui gambadait devant la fenêtre.
    La baronne qui s’était sentie enlevée à des hauteurs tragiques par l’éloquence de M me  Saint-Giles, eut toutes les peines à s’empêcher de rire, tant ce polichinelle était drôle.
    Il lui sembla, du reste, que

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