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La Bataillon de la Croix-Rousse

Titel: La Bataillon de la Croix-Rousse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Noir
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une ardeur extraordinaire et s’était hâtivement préparée à cette sortie qui l’effrayait quelques minutes auparavant. Dix minutes après, elle quittait le couvent avec la supérieure.
    Ce que l’abbé Roubiès avait voulu en faisant assister sœur Adrienne à l’humiliation de Châlier, c’était le lui montrer sous le coup de la colère d’une ville, c’était produire sur elle cette impression que cet homme était chargé de malédictions.
    Rien de plus propre que la mise en scène dont nous avons décrit les phrases pour frapper l’imagination affolée de sœur Adrienne.
    Déjà elle aspirait ardemment à l’honneur de l’assassinat   ; mais sa victime restait pour elle à l’état de conception vague.
    La vue de Châlier chargé, comme elle devait le croire, de la colère des hommes et de celle de Dieu, devait la rendre implacable dans ses desseins.
    Cet homme allait lui inspirer par sa laideur une répulsion invincible, par ses contorsions épileptiques une haine puisée dans la conviction qu’il était possédé.
    Dès lors, selon les justes prévisions de l’abbé Roubiès, elle marcherait sans hésiter dans la voie sanglante qu’on avait tracée.
    Comme il l’avait dit, à moins d’un miracle, Châlier devait mourir comme Henry III, comme Henry IV, sous le poignard de l’Église tenu cette fois par une main de femme.
    Lorsque sœur Adrienne reçut l’impression de l’air extérieur, elle se sentit oppressée comme le prisonnier habitué à l’air de son cachot et qu’étouffe une atmosphère plus pure.
    Cette malheureuse créature marchait comme un fantôme dans les rues de Lyon, sous l’obsession de l’idée fixe.
    La supérieure la conduisit dans une maison dévouée où elle fut reçue en silence, avec des apparences de respect extraordinaire.
    Maîtres et domestiques la traitaient déjà en sainte.
    On baisait le pan de sa robe, comme si elle eût été une relique, les enfants de la maison, rangés à genoux, demandèrent et reçurent sa bénédiction.
    L’orgueil, qui est la force et la faiblesse des grandes âmes, la saisit puissamment   : elle se sentait devenir idole et se laissa adorer.
    Mais, en même temps, s’imposait la nécessité inéluctable de mériter ces vénérations anticipées.
    Quand une conception est juste, tout s’enchaîne logiquement autour de l’idée mère.
    L’abbé Roubiès n’avait pas songé à cette scène de prosternation devant sœur Adrienne et cette scène allait, plus que toute autre, l’affermir dans ses projets d’assassinat.
    On la laissa seule avec la supérieure dans une pièce donnant sur une place par où le cortège devait passer.
    Tout semblait étrange à Adrienne   : elle hésitait à se pencher pour voir ce peuple remplissant les rues.
    – Ma sœur, regardez de tous vos yeux, dit la supérieure dans un style apocalyptique car, celui que le seigneur a marqué, va se montrer à vous, terrassé par un avertissement céleste   ; ma sœur   ! ma sœur   ! le grand jour approche.
    – Ce n’est donc pas aujourd’hui   ? demanda sœur Adrienne.
    – Non, aujourd’hui Dieu met seulement le grand coupable sous les yeux de la femme forte suscitée par lui pour exécuter les décrets de sa justice.
    Les prêtres ont un système d’éducation si bien approprié à tous les sexes, à tous les âges, que cette femme, vieille fille de joie, vierge folle de son corps, avait fini par parler avec autorité le jargon biblique.
    Dans la rue, les grandes rumeurs de la manifestation commençaient à rouler sourdement.
    Sœur Adrienne écoutait frémissante.
    – Qu’est-ce donc que ces bruits   ? demanda-t-elle.
    – Celui d’un peuple religieux qui se soulève contre les tyrans impies   ! répondit la supérieure.
    Sœur Adrienne, effrayée par la lumière et le plein air, pénétrée par les effluves qui couraient déjà dans l’atmosphère, hésitait à rester à la fenêtre   : elle se sentait aveuglée et assourdie.
    Mais tout à coup, une légion de la garde nationale envahit la place voisine, que l’on dominait de la fenêtre   ; elle s’était avancée sans bruit   ; mais le colonel venait d’apprendre par ses émissaires le désarmement des Carmagnoles et le défilé prochain.
    Il rompit la consigne du silence, donna un signal et la légion déboucha sur la place au retentissement éclatant de la musique militaire.
    Jamais pareil spectacle n’avait frappé les yeux de la jeune fille, jamais elle n’avait

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