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La Bataillon de la Croix-Rousse

Titel: La Bataillon de la Croix-Rousse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Noir
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vibré aux sons de l’orgue comme elle vibra quand les notes de la Marseillaise s’élancèrent, hymne triomphant vers le ciel.
    Ces soldats, sous l’uniforme brillant d’une riche milice, ces armes étincelantes, ces pompes militaires agirent avec force sur cette organisation nerveuse   : elle regardait les rangs formés en haie, la foule agitée, les groupes houleux, cette marée humaine envahissant cette place, ondulant, se soulevant, s’affaissant, se repliant et revenant sans cesse battre les trottoirs et les murs des maisons. Cette scène si nouvelle pour l’œil d’une recluse la tenait clouée à la fenêtre.
    Puis les émissaires passés, le silence se fit profond à l’approche du défilé des prisonniers.
    Au commandement des officiers   : « Haut les armes la voûte d’acier se forma, et, sous l’entrecroisement des baïonnettes, la recluse, remuée jusqu’au fond des entrailles, vit Châlier couché sous l’opprobre, l’écume de l’épilepsie aux lèvres, tordu en cercle, la tête aux talons, les yeux blancs, semblable à quelque grand coupable, tourmenté par la justice divine pour l’épouvante des peuples.
    Elle entendit la voix des hérauts d’armes lançant l’anathème sur ce misérable.
    Elle frémit au cliquetis des armes s’entrechoquant.
    La musique jouait en sourdine une marche funèbre et les tambours battaient le deuil.
    Elle regarda passer sa future victime avec des yeux vitreux au fond desquels couvait le feu sombre des résolutions immuables.
    Et quand, le cortège passé, ne voulant point qu’elle vît le défilé des ivrognes, la supérieure emmena Adrienne, celle-ci lui demanda d’une voix dont la douceur contrastait avec le sens féroce de la question   :
    – Sera-ce pour aujourd’hui, ma mère   ?
    – Non, ma fille.
    – Demain   ?
    – Demain peut-être.
    Adrienne, cependant, s’étonnait que, tenant sous leurs baïonnettes ce Châlier si méprisé et tant haï, les gardes nationaux ne l’eussent point tué.
    Elle demanda   :
    – Cet homme semble porter le poids de la colère d’une ville   : pourquoi personne ne l’a-t-il frappé   ?
    Question embarrassante.
    C’était la logique venant prendre la supérieure à la gorge.
    Mais ces dévotes sont dressées à toutes les escrimes de l’esprit   : elles font à toute objection des réponses spécieuses.
    La supérieure prit l’air grave d’une femme pour laquelle Dieu n’a pas de secrets, et répondit   :
    – Ma fille, cet homme s’est approché des autels dans sa jeunesse. Dieu qui est l’éternelle justice et l’éternelle bonté a voulu l’avertir aujourd’hui et lui laisser le temps de méditer et de se repentir.
    – S’il se repent   ?
    – Ma fille, il faudra bénir la miséricorde infinie du Seigneur.
    Sœur Adrienne dit, les dents serrées   :
    – Il ne se repentira pas   !
    Elle en était arrivée à ce point de haine qu’elle souhaitait à Châlier ce que les prêtres appellent l’impénitence finale.
    Mais, tout à coup, elle frissonna et pâlit.
    Cet appareil sinistre, ce défilé sombre, ces prisonniers abattus, atterrés, cette victime de la colère divine, et, plus que tout, les courants magnétiques qui se dégageaient des masses, produisirent un effet de vertige sur la recluse.
    Elle fut saisie d’un accès de délire auquel du reste la supérieure s’attendait car, dès qu’elle vit sœur Adrienne trembler, elle appela et courut à elle.
    On l’enleva de la fenêtre que l’on ferma et elle passa successivement de la convulsion à l’extase et de l’extase à l’abattement.
    On la laissa dans cet état pendant quelques heures.
    Ces crises étaient réglées et la supérieure en avait la longue pratique.
    On laissa voir aux gens de la maison sœur Adrienne en extase.
    Ils demeurèrent convaincus que Dieu dans ce moment avait fait monter l’âme de la sainte jusqu’au ciel.
    Revenue à elle, reposée, n’ayant rien vu de la comédie qui suivit, sœur Adrienne retourna au couvent inébranlablement convaincue de sa mission.
    Aussitôt la manifestation finie, l’abbé Roubiès s’était rendu à la maison qui servait de couvent à sœur Adrienne.
    L’abbé Roubiès était un de ces hommes qui, par leur grande habileté, excellent à dominer les autres.
    Toute sa conduite pendant le siège en fait la preuve.
    Il fut l’âme de la révolte.
    Plus on étudie cette figure historique de l’abbé Roubiès, plus on est tenté de contredire

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