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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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fin, les informations relatives aux bureaux 24, 40 et 60 parvinrent au Monument-National pour donner une avance de quarante-deux voix à Bourassa. L'orateur solitaire, assisté de centaines de collégiens n'ayant même pas le droit de voter, venait d'abattre le premier ministre du Québec, qui jouissait pourtant de budgets illimités et de la machine électorale du parti au pouvoir tant au provincial qu'au fédéral.
    —    Au diable les cours de demain, décréta Edouard. Moi, j'attends le discours de Bourassa.
    —    Il se trouve à Saint-Hyacinthe...
    —    Il doit revenir ce soir et dire quelques mots devant les locaux du journal La Patrie.
    L'atmosphère dans la ville de Montréal devenait électrisante. Fernand laissa échapper un soupir de lassitude. Après un moment, il précisa :
    —    D'accord, mais il y a un train un peu après minuit. Nous pourrons louer une couchette, et tu iras directement en classe en arrivant.
    Edouard ne l'écoutait pas : avec deux ou trois mille personnes, il clamait:
    —    Hourra pour Bourassa ! Dehors les libéraux ! Les nationalistes au pouvoir !
    Aucun de ces partisans enthousiastes n'aurait de voix en fin de soirée.
    À Québec aussi, en cette journée de présentation des résultats électoraux, l'atmosphère devenait électrique. Thomas Picard ne se sentait pas la patience d'attendre les journaux du lendemain matin. Aussi vers huit heures du soir, alors que le jour commençait à faire place à la nuit, il proposa :
    —    Tu viens prendre une marche ?
    Elisabeth leva les yeux de son livre, le sourcil interrogateur.
    —    Nous pourrions aller vers le marché Montcalm, précisa-t-il.
    La jeune femme rangea le roman qui, depuis une heure, la faisait voyager en France, puis alla chercher sa veste. Au moment de rejoindre son époux près de la porte, elle
    demanda :
    —    As-tu prié ta fille de nous accompagner ?
    Les jours de grande tension, le «ta» remplaçait naturellement le «notre».
    —    La politique ne semble pas la séduire beaucoup, puis Élise doit venir...
    Que ces deux demoiselles trouvent autant à se dire, alors que leur vie présentait bien peu d'événements nouveaux, dignes d'être relatés, le surprenait toujours. Sur le trottoir de la rue Scott, il offrit son bras à sa femme, et tous les deux regagnèrent la Grande Allée pour se diriger vers l'est. A cette heure de la journée, surtout quand la soirée se révélait douce, de nombreux couples marchaient un peu afin de favoriser la digestion.
    Cependant, en ce 8 juin, les pas de chacun conduisaient vers l'une ou l'autre de deux destinations possibles. Au moment de passer à la hauteur du Skating Ring, que plusieurs préféraient désigner comme le Pavillon des patineurs, une minorité non négligeable des promeneurs préféra s'arrêter.
    —    Nous pourrions aller là, suggéra Elisabeth avec un sourire en coin.
    —    Ce sera bondé d'Anglais, pour la plupart conservateurs.
    Le journal Chronicle y tenait sa soirée d'élection. Comme ce quotidien penchait vers le parti d'opposition, tout comme l'Evénement, spontanément les bleus s'y arrêtaient.
    —    Tu ne crains certainement pas qu'ils te reçoivent de façon cavalière.
    —    Non, ils perdent avec une élégance remarquable. Nous faisons tout pour leur en donner l'habitude.
    La province de Québec votait majoritairement libéral depuis une dizaine d'années, ce qui se traduisait par une forte proportion de sièges. Aux scrutins provinciaux de 1900 et de 1904, elle avait élu soixante-sept députés libéraux, contre sept conservateurs, pour une assemblée de soixante-quatorze personnes.
    Comme la majorité des promeneurs de la Grande Allée, Thomas et Elisabeth empruntèrent l'avenue Dufferin et, par la rue Saint-Jean, regagnèrent le marché Montcalm, où au moins huit mille badauds, en majorité des hommes, se trouvèrent bientôt rassemblés.
    Le journal Le Soleil, libéral, avait loué une lanterne magique, un énorme appareil doté d'un tube de cuivre affublé de lentilles. Un cône de lumière, dans lequel de petits papillons venaient voleter, éclaboussait le grand mur gris de l'édifice du marché. Quelques employés s'agitaient autour de la machine, inscrivaient des chiffres et des lettres sur une plaque de verre avant de la glisser à la naissance de ce projecteur primitif.
    Au moment où le couple Picard se joignit à la foule, des jeunes gens crièrent leur joie. Sur le mur de

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