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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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le fils naturel de Wilfrid Laurier.
    Parent, Simon-Napoléon (1855-1920) : Avocat, ancien premier ministre de la province et ancien maire de Québec, il assuma la présidence de la Société du pont de Québec et celle de la Commission du chemin de fer transcontinental.
    Chapitre 1
    —    Bonjour, belle maman, sans trait d'union.
    —    Bonjour, Edouard. As-tu bien dormi ?
    Le grand adolescent, ou le jeune adulte, selon les jours et ses humeurs, se pencha vers la jeune femme assise à la table de la salle à manger pour poser les lèvres sur son front. Bien qu'elle fût en réalité sa belle-mère, à ses yeux, Elisabeth représentait la seule femme à mériter le titre de mère. Le visage de l'auteure de ses jours s'était peu à peu effacé de ses souvenirs. Seules subsistaient, pour meubler ses mauvais rêves, une silhouette décharnée et une odeur un peu nauséabonde.
    Edouard se dirigea vers la chaise placée à droite de la seconde épouse de son père, adressa un sourire à celui-ci, assis au bout de la table, en guise de salutation. Parce que les derniers jours du mois d'août se révélaient très chauds, comme si l'été entendait faire profiter Québec de ses ultimes éclats avant de laisser la place à un automne précoce, la veste de lin écru du grand garçon demeurait ouverte sur une chemise blanche. Le bouton du col, Thomas Picard le devinait, restait détaché sous la cravate. Il réprima un soupir: intolérable chez un employé, ce petit air de dandy un peu bohème convenait sans doute au fils du patron.
    Dans le sillage de l'adolescent suivait une grande jeune fille rose et blonde plutôt jolie que belle, son peignoir soigneusement fermé sur une chemise de nuit. À dix-huit ans, elle offrait un teint de porcelaine, des yeux d'un bleu pâle encore à demi ensommeillés, une moue légèrement boudeuse. Elle fit la bise à son père, lui murmura un «Bonjour» sans conviction, avant de s'asseoir à sa gauche.
    —    ... Eugénie, intervint l'homme en fronçant un peu les sourcils.
    —    ... Bonjour, Elisabeth, salua l'aînée de mauvaise grâce.
    La même comédie se reproduisait tous les matins. Celle-là n'oubliait ni sa mère, ni les circonstances de son décès. Quelques semaines après le dixième anniversaire du second mariage de son père, elle faisait toujours mine d'oublier la présence de l'intrigante. Celle-ci répondit au bonjour d'une voix égale, sans témoigner du moindre agacement devant autant de mauvaise grâce, puis enchaîna à l'intention de la domestique silencieuse qui se tenait dos au mur, les mains croisées à la hauteur de la taille :
    —    Jeanne, vous pouvez servir.
    La jeune fille embauchée au début de l'été commença par verser le thé dans les tasses des membres de la famille rassemblée pour le petit déjeuner. Puis elle souleva les couvercles des plats de service avant de reprendre sa place dans un coin, prête à se précipiter à la cuisine pour satisfaire les désirs que la cuisinière aurait négligés.
    Les Picard se trouvaient réunis dans la salle à manger d'une grande maison bourgeoise de la rue Scott. La pièce élégante, lambrissée de chêne, possédait une seule fenêtre en baie ouvrant sur l'un des côtés de la demeure. Certains jours, une douzaine de convives prenaient place autour de la grande table de bois blond. Régulièrement, l'ancien maire de Québec et ancien premier ministre de la province, Simon-Napoléon Parent, y occupait la place la plus noble. Plus rarement, Wilfrid Laurier lui-même honorait la maison de son auguste présence. Même pour un petit déjeuner familial, la vaisselle en porcelaine anglaise reposait sur une nappe de lin finement brodée.
    Elisabeth insistait pour que tous les membres de la famille fussent présents à ce premier repas. Si les hommes de la maison devaient se présenter au travail tous les matins un peu après huit heures, que les femmes leur tiennent compagnie lui paraissait être la moindre des choses.
    —    Toujours en chemise de nuit, commenta le père à l'intention de sa fille. Ce soir, je songerai à rapporter un réveil du magasin, pour t'aider à te tirer du lit.
    —J'en ai déjà un. Hier soir, Elise s'est attardée un peu...
    Il s'agissait de la fille de voisins de la Haute-Ville, la « sœur d'élection» d'Eugénie, en quelque sorte. Dix ans à fréquenter le même couvent en avait fait des amies inséparables.
    —    Et ce matin, tu crois qu'elle aussi se

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