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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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le sais bien...
    Cette visite devait tout à l'impulsion du moment. Elle se trouvait à la librairie Garneau quand l'idée lui était venue à l'esprit. Marie demeura interdite, consulta son époux des yeux, puis répondit :
    —    Si vous le souhaitez, nous pouvons aller à côté.
    Elle posa donc son chapeau de paille sur sa lourde tresse nouée contre sa nuque et enfila ses gants. Quand elles sortirent, Alfred murmura un «Bon appétit» discret.
    A deux portes du commerce de vêtements pour dames, une veuve tenait un restaurant depuis quelques années, avec l'aide de ses deux filles. Pendant quelques instants, Marie échangea avec la propriétaire des propos sur l'affluence des dernières semaines, puis elle se dirigea vers une table placée le long d'un mur. Après un silence embarrassé, elle se lança :
    —    Je sais que l'autre soir, dans le parc Frontenac... pardon, je veux dire Montmorency, j'ai accepté l'idée d'une conversation avec vous. Mais je ne croyais pas voir la chose se produire si tôt.
    —    Moi non plus, je dois l'avouer. Mais comme je me trouvais tout près...
    Elles passèrent leur commande à une jeune fille. Après le départ de celle-ci, Élisabeth confia en riant :
    —    Une fois devant vous, je ne sais trop comment commencer. Je vous entendais tout à l'heure: votre commerce a bien profité de tous ces visiteurs ?
    —    Comme tous les fournisseurs ont voulu en profiter aussi, en augmentant leurs prix, les résultats sont moins spectaculaires que certains peuvent le penser. Mais...
    —    Mais ?
    Élisabeth connaissait ces prudences de marchand, soucieux de ne pas trop afficher leur succès.
    —    Nous pourrons assumer toutes les nouvelles taxes que l'embellissement de la ville coûtera et il nous restera quelque chose.
    —    Toutes ces célébrations se révèlent plutôt réussies.
    —    Nous en avons peu profité, je dois l'admettre. Quoique hier soir, j'ai apprécié votre jeu.
    Son interlocutrice répondit d'un sourire, avant de préciser :
    —    Je pense que mon cheval avait une meilleure présence en scène que moi.
    Pendant les deux premiers services, elles commentèrent ainsi les points saillants des commémorations, évoquèrent le temps clément, et même la prochaine campagne électorale. Au moment où la serveuse posait une théière et deux tasses de porcelaine devant elles, Elisabeth dit dans un souffle, en versant la boisson chaude :
    —    Vous savez, il regrette.
    —    ... Si vous le dites.
    —    Je vous assure.
    La jeune femme, les yeux dans ceux de sa vis-à-vis, ajouta encore :
    —    Ce n'est pas un homme mauvais. Je ne l'excuse pas, car c'est inexcusable. J'ai voulu vous rencontrer juste pour vous dire cela.
    Marie accepta ces mots avec un sourire en coin. Elle se rendait compte que deux mois plus tôt, avant l'épisode avec James McDougall, jamais elle n'aurait accepté d'entendre ces paroles. Sa compréhension des passions humaines gagnait maintenant en nuances.
    —    Sa présence me sera toujours insupportable, souffla-t-elle entre ses dents.
    —    Je le comprends bien. Mais ce n'est qu'un homme, avec ses bêtises et ses regrets.
    —    Vous l'aimez beaucoup.
    Elisabeth répondit d'un sourire, porta la tasse de thé à ses lèvres. Pendant quelques minutes encore, elles discutèrent de la mode féminine du prochain automne, que les magazines européens promettaient plus audacieuse que jamais.
    Depuis des semaines, les visites d'Élise Caron rue Scott se raréfiaient. Cela tenait peut-être un peu à l'humeur morose de son amie. Son côté tranchant se trouvait bien émoussé, au point que ses parents commençaient à s'inquiéter. Se pouvait-il que la maladie de sa mère, Alice, se manifestât chez elle ?
    A la fin du mois de septembre, la fille du médecin se joignit tout de même à la famille Picard pour le repas du samedi soir. Avant de passer à table, dans le petit salon, elle annonça à Eugénie sur le ton de la confidence :
    —    Je vais me fiancer à Noël.
    —    ... Je te félicite. Mais qui donc est l'heureux élu? demanda Eugénie.
    —    Charles Paquet.
    Devant le regard intrigué de son amie, Elise précisa :
    —    Il s'agit d'un médecin récemment diplômé. Il vient de terminer son internat à l'Hôtel-Dieu.
    —    Tes parents ont accepté ?
    —    Sans hésiter. Comme a dit mon père, je reste dans la profession médicale.
    —Je te

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