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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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félicite, répéta la fille de la maison. Tu as de la chance.
    Le ton chagrin contredisait un peu ces derniers mots. La visiteuse attendit un long moment avant de demander :
    —    De ton côté?...
    —    Avant les commémorations, personne ne s'est déclaré. Depuis, je n'ai reçu aucun jeune homme.
    Plus précisément, nul n'avait exprimé le désir de venir la visiter. Sa chaperonne se trouvait condamnée au chômage depuis de longues semaines.
    Un moment plus tard, les deux amies se joignirent aux autres dans la salle à manger. Après le premier service, Élise répéta la grande nouvelle, reçut les félicitations de la maisonnée. Après les bons souhaits d'usage, les vœux de bonheur éternel, l'évocation des meilleures dates pour la cérémonie au cours de l'été de 1909, afin de changer de sujet, Elise demanda :
    —    Édouard, vous ne m'avez pas parlé de votre dernière année de philosophie. Le Petit Séminaire vous plaît-il autant que par le passé ?
    —    Nous continuons de lire en latin les textes de curés morts depuis des siècles. Il paraît qu'en s'encombrant le cerveau de toutes ces âneries, nous aurons la tête bien faite...
    Le regard un peu sévère de son père sur lui détermina le garçon à continuer :
    —    Mais j'affronterai les derniers mois avec un stoïcisme inébranlable.
    —    Si vous avez appris ce mot, stoïcisme, cette formation n'est pas si inutile.
    —Je le connaissais déjà. Je compte les mois. Il en reste neuf.
    Tous les soirs, Édouard marquait d'un «X» la journée écoulée, sur le calendrier de la société Picard affiché dans sa chambre. Toutefois, il devinait déjà que dans vingt ans, il éprouverait une certaine nostalgie à l'égard de ces dernières journées d'innocence.
    A la fin du repas, tout le monde se retrouva dans le grand salon, un verre à la main afin de célébrer la grande nouvelle. Les hommes burent leur cognac à petites gorgées, les femmes un peu de sherry. A neuf heures, la visiteuse exprima le désir de rentrer à la maison. Édouard proposa immédiatement de la reconduire.
    —    Ce n'est pas nécessaire. J'habite à côté.
    —Je ne laisserai jamais une aussi jolie femme s'aventurer toute seule dans nos rues sombres.
    —    Édouard, fit Elisabeth en jetant sur lui un regard sévère.
    L'allusion à la beauté d'une personne venant tout juste d'annoncer ses fiançailles prochaines paraissait un peu inconvenante. Feignant l'innocence, le garçon affirma :
    —    Malgré la lumière électrique, les rues demeurent un peu sombres.
    Quelques minutes plus tard, Elise tenait le bras du garçon pour s'engager dans la nuit, un peu songeuse. Avec l'automne déjà de retour, la nuit se révélait agréablement fraîche.
    —    Vous êtes contente ? demanda Edouard au moment où ils s'engèrent dans la rue Claire-Fontaine.
    —    Évidemment, sinon j'aurais refusé.
    —    Alors je vous félicite encore, du fond du cœur.
    La jeune fille serra les doigts sur le bras du garçon, en guise de remerciement.
    —    Tout de même, le docteur Caron doit être soulagé, déclara Thomas, debout devant la baie vitrée du grand salon.
    Tous les pères de la Haute-Ville partageaient la même inquiétude. En conséquence, à l'annonce d'un mariage convenable, sans aucune rumeur de scandale au préalable, ils connaissaient la même satisfaction. Elisabeth posa les yeux sur sa belle-fille en se disant que son époux manquait un peu de délicatesse. Cette dernière contemplait son verre vide depuis un moment, le rose aux joues.
    Comme toujours, Edouard fit une entrée un peu bruyante, revint au salon en disant :
    —    La demoiselle a regagné son château saine et sauve. Maintenant, elle doit tisser des draps de lin pour son trousseau.
    Il alla s'asseoir sur le banc du piano droit placé contre le mur, souleva le couvercle afin de caresser le clavier du bout des doigts. Alors que sa sœur suivait des cours de musique au couvent, lui avait profité des leçons particulières d'une vieille demoiselle. Comme pour beaucoup de choses qu'il entreprenait, malgré ses aptitudes naturelles, l'expérience s'était terminée bien vite. Il joua trois notes, chercha parmi les feuilles de musique placées devant lui, puis commença, de sa voix bien posée, en s'accompagnant au piano, la vieille chanson de Jean-Pierre Claris de Florian, mise en musique par Jean-Paul Egide Martini :
    Plaisir d'amour ne dure qu'un

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