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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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faculté de médecine de l'Université Laval ?
    La jeune fille avait colligé quelques informations dès le moment où elle avait accepté de recevoir l'un des fils Brunet. Lors d'un repas chez les Caron, le père de son amie avait été soumis à un interrogatoire en règle. Le médecin connaissait tous les pharmaciens de la ville.
    —    Vous avez raison. La faculté offre quelques cours sur les médicaments, puis les étudiants effectuent un stage dans une officine. Dans mon cas, cette partie fut très facile.
    Arthur Brunet dit cela dans un sourire. Sa famille œuvrait dans ce domaine depuis le milieu du siècle précédent, et il représentait la troisième génération. Un peu comme Edouard au grand magasin, depuis l'âge de douze ans, il passait tous ses temps libres dans l'entreprise familiale.
    Jeanne arriva en poussant un petit chariot, posa au centre de la table une théière de porcelaine, trois tasses, un sucrier, un petit pot de lait, un grand plateau où des pâtisseries avaient été soigneusement disposées par la vieille cuisinière. Joséphine Tardif se troublait depuis des semaines : la petite recevait des hommes ! Comme elle avait vu la naissance de la mère de celle-ci, cela annonçait une fin de carrière très prochaine.
    —    Laissez, je vais m'en occuper, dit l'hôtesse de sa voix la plus douce.
    La domestique leva sur elle un regard surpris. Le but de ce genre d'invitation était de se faire voir sous son meilleur jour. Dans le cas de cette débutante, cela signifiait parfois se rendre méconnaissable à force de prévenances.
    Eugénie versa du thé dans une tasse, ajouta le lait et le sucre, puis se leva pour aller la poser sur un guéridon près du fauteuil de sa belle-mère. Celle-ci s'acquittait de son rôle de chaperon consciencieusement, un livre sous les yeux, les oreilles grandes ouvertes. Son silence pouvait-il indisposer ce jeune homme? Devait-elle participer à la conversation? D'un autre côté, toute intervention risquait d'être mal reçue par sa belle-fille.
    Cette dernière revint ensuite avec le plateau, se pencha en disant :
    —    Elisabeth, désirez-vous quelque chose ?
    Même dans cette représentation, le mot «maman» lui aurait brûlé la langue.
    —    Non, merci.
    Pendant tout ce temps, Arthur Brunet regardait cette femme à la dérobée. Il se souvenait de son apparition dans le faubourg Saint-Roch, à titre de préceptrice chez les Picard. Sa présence avait meublé quelques conversations dans la salle à manger familiale. La morale petite-bourgeoise avait souffert de l'accroc aux convenances au moment du remariage précipité après le plus court veuvage des annales de la paroisse. Dix ans plus tard, Eugénie demeurait, avec son frère, l'héritière de la plus solide maison d'affaires canadienne-française de Québec. Cela plaidait en sa faveur.
    En reprenant sa place, la jeune fille demanda :
    —    Voulez-vous du lait? Du sucre ?
    —    Non, je le prends noir.
    Lui aussi refusa toutes les pâtisseries. La cuisinière manifesterait sa déception pendant des heures. Après s'être servie la dernière, certaine d'avoir laissé la meilleure impression quant à ses qualités de maîtresse de maison, Eugénie se cala dans sa chaise, la soucoupe et la tasse dans la main, et s'enquit avec son meilleur sourire :
    —    Entendez-vous reprendre l'affaire de votre père ?
    —    Pas vraiment. Mon frère aîné ne serait pas content de m'avoir dans les pattes. Nous, je veux dire la famille, comptons ouvrir une succursale dans Saint-Jean-Baptiste. Je vais en assumer la responsabilité.
    —    Oh ! C'est passionnant.
    Le ton sonnait faux. Depuis le début, elle conduisait la conversation. Un biscuit lui permit de rester muette un moment, afin de donner la chance à son compagnon de prendre le relais. Il saisit l'invitation et dit:
    —    Vous aussi avez terminé vos études tout récemment.
    —    Le printemps dernier. Chez les ursulines.
    —    Lors du bal du gouverneur, vous avez évoqué un voyage en Europe.
    Les trois minutes de conversation, le temps d'une valse, lui étaient restées en mémoire. La jeune fille lança un regard discret du côté de sa belle-mère avant de répondre :
    —    Oui, cela doit se faire au cours de la prochaine année. Vous avez une bonne mémoire.
    —    Seulement quand je parle à une charmante personne.
    Encore une fois, ses yeux tombèrent sur son corsage, ses
    lèvres

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