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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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guise d'étrennes. Ce genre d'attention servait aussi la réputation du commerçant et lui valait une fidélité à toute épreuve.
    Les bises et les «joyeux Noël» retentirent une dernière fois, puis Alfred verrouilla de nouveau la porte, heureux de pouvoir profiter d'un jour de congé le lendemain.
    —    Si nous prenons chacun quelque chose, je suppose que nous arriverons à tout remonter à l'appartement en deux voyages.
    Il en fallut trois. Dans le salon de l'appartement, un sapin de quatre pieds de haut posé sur une petite table, décoré avec soin, occupait tout un angle de la pièce. Sur le plancher tout autour, des présents soigneusement enveloppés de papier rouge vif attisaient la convoitise des enfants. Un bol de friandises, placé sur un guéridon, leur permettrait d'attendre un souper très tardif.
    —    Tu viens dans ma chambre ? demanda Thalie.
    Mathieu la suivit, convaincu que la rue leur procurerait un divertissement capable de les occuper une petite heure. Sur le banc près de la fenêtre, ils commencèrent par évaluer à haute voix les qualités esthétiques des décorations ornant les commerces de la rue Buade et l'entrée de l'hôtel de ville.
    Elles consistaient surtout en couronnes et en bouquets de branches de sapin soulignés de lourds rubans rouges. Dans la rue, des carrioles à l'attelage alourdi de grelots faisaient entendre une jolie musique qui montait jusqu'à eux. Sur la petite place située en face de la basilique, des cultivateurs soldaient leurs derniers sapins, anxieux de revenir à la maison bien vite.
    —    Tu n'as jamais eu d'autres ennuis, dans ta nouvelle école ? demanda la fillette.
    —    Non. Tout le monde paraît se passionner pour les études, au point de se désintéresser des coups de poing.
    La classe préparatoire du Petit Séminaire, son nom l'indiquait, préparait des enfants de dix ou onze ans à entamer les humanités classiques. Les moins talentueux, ou ceux venus des petites écoles les plus médiocres, y restaient deux ans, mais Mathieu tenait pour acquis qu'il commencerait l'étude des éléments de latin dès septembre 1908.
    —    De toute façon, tu sais te défendre.
    Sans trop de mal, Thalie avait obtenu un récit intégral de la dernière journée de son frère à l'Académie commerciale. La description du sang jaillissant des narines et de la bouche de Pierre Grondin lui avait tiré un seul commentaire : « Bien fait pour lui. » Son cœur sensible n'arrivait pas à s'émouvoir pour ce tortionnaire. Soupçonneuse, elle demanda encore :
    —    Ce garçon n'a jamais essayé de prendre sa revanche?
    —    je ne l'ai jamais revu.
    —    Il a sans doute trouvé un autre petit pour s'acharner dessus.
    —    Ou alors lui-même est devenu une victime. Tu l'as entendu toi-même : les derniers jours, quelques grands l'appelaient Grondin la grondeuse.
    Elle sourit, murmura de nouveau :
    —    Bien fait.
    Pendant quelques semaines, un membre de la famille avait escorté le garçon jusqu'à la porte décorée de fer forgé donnant accès à la cour intérieure du Petit Séminaire, à deux pas du commerce, sans que se produise le moindre incident fâcheux. L'endroit accueillait quelques centaines d'élèves, dont la moitié rêvait sincèrement de devenir prêtre, et un quart jurait hypocritement le vouloir afin d'obtenir de l'aide pour payer les frais de scolarité. Dans ce petit monde, Mathieu risquait de mourir d'ennui plutôt que de harcèlement. Heureusement, il arrivait à se passionner même pour les apprentissages les plus abscons.
    —    De ton côté, demanda-t-il après une pause, personne ne te mène la vie dure, chez les ursulines ?
    —    Tu sais, les filles, cela ne va jamais plus loin que les paroles méchantes.
    —    Comme tu n'as pas la langue dans la poche...
    Thalie jeta sur lui un regard sombre, puis admit :
    —    Même si je sais comment répliquer, cela fait mal.
    Le garçon passa le bras autour des épaules de sa sœur et ajouta :
    —Je sais. C'est comme casser le nez de quelqu'un: cela ne fait pas plaisir.
    —    Cependant, selon les pisseuses, mieux vaut donner que recevoir. Dans ce cas, elles ont raison.
    Sous leurs yeux, les réverbères électriques s'allumèrent, jetant des taches de lumière jaunâtre sur la neige accumulée sur la chaussée. Le va-et-vient continuel des traîneaux et des passants laissait les pavés à nu par endroit. Des employés municipaux, en

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