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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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de vingt-deux ou vingt-trois ans se tenait droit comme un «i», un melon perché sur le sommet du crâne, écrasant une tignasse de cheveux châtains.
    —    Bonjour, commença-t-il. J'ai rendez-vous avec mademoiselle Picard.
    —    Vous devez donc être monsieur Brunet, dit-elle en riant, péchant par trop de familiarité. Entrez.
    Le visiteur frappa les talons afin de débarrasser ses semelles de la neige accumulée, avant de pénétrer dans un petit hall élégant.
    —    Si vous voulez vous débarrasser.
    Le garçon ôta d'abord son paletot pour le lui remettre, puis son chapeau. Elle suspendit le tout à un curieux meuble, une chaise monumentale dont le dossier, haut de sept pieds, portait des crochets sur les montants. Il dut s'asseoir pour
    enlever ses couvre-chaussures.
    Eugénie, avec un à-propos théâtral soigneusement cultivé, arriva devant la porte d'entrée au moment où il se relevait. Elle tendit la main en disant:
    —    Bonjour, monsieur Brunet, ou peut-être devrais-je dire bonsoir.
    L'obscurité tombait déjà sur la ville, bien qu'il fut à peine quatre heures trente. A ce moment de l'année, les jours étaient si courts que les citadins devaient combattre un vague sentiment de déprime.
    —    Bonsoir, Mademoiselle, répondit Arthur, tirant la jeune fille de son dilemme. J'espère que vous vous portez bien.
    Il affichait des joues rouges, effet conjugué du froid vif de l'extérieur et de la situation intimidante. Toutefois, ses yeux enregistrèrent sans vergogne l'ensemble de la silhouette de son hôtesse. Sa robe bleue d'aujourd'hui était infiniment moins révélatrice que celle portée au bal du gouverneur. S'il en fut déçu, rien ne parut. Eugénie offrait un sourire charmant, les joues roses de timidité. Ses cheveux tirés vers l'arrière et réunis sur la nuque dégageaient le cou et les oreilles. Son rang de perles faisait un peu ostentatoire en cet endroit, mais avec un père marchand au détail, surcharger la vitrine lui venait d'instinct.
    —    Il semble faire très froid, dehors, commenta-t-elle en se dirigeant vers le couloir, le jeune homme sur les talons.
    —    Avec le vent qui vient de l'est, c'est à peine supportable.
    Elle ouvrit la porte du grand salon, s'effaça pour le laisser
    entrer le premier. Elisabeth posa le livre qu'elle parcourait depuis quelques minutes, quitta son fauteuil pour les accueillir.
    —    Monsieur Brunet, je vous présente ma belle-mère.
    —    Madame, je suis enchanté de faire votre connaissance.
    Il serra la main tendue en lui adressant son meilleur sourire,
    puis commenta :
    —    Votre sapin est très impressionnant.
    L'arbre étalait sa grande masse verte devant la baie de la fenêtre donnant sur la rue. Les branches ployaient sous les boules de verre coloré, les guirlandes et les étoiles brillantes.
    —    Avec les ressources du magasin Paquet à notre disposition, parfois l'enthousiasme nous emporte.
    —    Tout de même, vous êtes certainement pour quelque chose dans le résultat.
    Le regard du jeune homme alla de la belle-mère à la belle-fille. La première n'osa pas prendre le crédit, la seconde préféra taire qu'elle n'y était pour rien.
    —    Si vous voulez vous asseoir, proposa Eugénie après une courte pause.
    Elle ajouta à l'intention de la domestique, debout dans l'embrasure de la porte :
    —    Jeanne, vous pouvez servir le thé.
    L'heure du thé avait semblé propice à une première rencontre. Comme cela, les silences embarrassés pourraient être meublés par les gorgées de boisson chaude et les bouchées de gâteau. Les jeunes gens prirent place de part et d'autre d'une table, assis sur d'élégantes chaises recouvertes de soie.
    —    Monsieur Brunet, je crois que vous revenez des États-Unis ? questionna la débutante.
    Ce jeune homme ne lui était pas tout à fait inconnu. A quelques reprises, ils s'étaient croisés sur le parvis de l'église Saint-Roch, quand son père jugeait utile de montrer sa famille dans la paroisse qui l'avait vu naître et devenir riche, mais aussi lors de quelques réceptions tenues pour souligner des événements publics. En réalité, cela signifiait qu'au cours des dix dernières années, ils avaient échangé tout au plus cinquante phrases.
    —    Je suis allé à Boston afin de compléter des études de pharmacie. Mais ce fut pour quelques mois seulement.
    —    Auparavant, vous aviez fait des études à la

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