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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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criminels, seulement des innocents, et sans demander d'argent en retour. Juste pour satisfaire son amour de la justice. Ou alors dans la politique, pour le bien du peuple, mais sans jamais tremper dans des magouilles.
    À ce sujet aussi, son père aurait pu dire qu'il ne se qualifiait pas. A la place, abasourdi par une pareille absence de sens commun, il murmura :
    —    Mais comment paiera-t-il les visites en Europe ?
    —    Il faudra qu'il soit riche, c'est certain.
    —    Mais tu parles de moi, on dirait, lança Edouard. Quand je prendrai la relève de papa, je placerai Fulgence à la tête de toute l'entreprise, et je voyagerai !
    —    Imbécile. Impossible de parler sérieusement, quand tu es là.
    Thomas regarda son fils un moment, soudainement très inquiet. Dans cette boutade ironique, il se demandait quelle était la part de vérité. Pendant une bonne demi-heure, la conversation porta sur des sujets moins chargés d'émotions. Au moment du dessert, Eugénie revint sur le sujet de façon tout à fait inattendue :
    —    Aujourd'hui, c'était une répétition, en quelque sorte. C'est heureux que le jeune Brunet ne m'ait pas vraiment intéressée.
    —    ... Pardon? dit son père en levant les sourcils.
    —    C'était la première visite d'un garçon. Je ne savais pas quoi dire, quelle attitude adopter. Si Arthur m'avait plu, peut-être aurais-je tout ruiné avec une maladresse involontaire. J'apprendrai comment me comporter. Aussi, quand ce sera le bon, je ne commettrai pas d'erreur.
    Ce constat, tout à fait rationnel, allait dans les deux sens. Arthur Brunet aussi serait moins empoté lors de son prochain rendez-vous... avec une autre. Toutefois, cela demeurait terriblement naïf : l'amour avait peu à faire avec l'art de la conversation ou celui de recevoir. Elisabeth n'osa pas lui rappeler qu'à dix-huit ans, avec un uniforme scolaire susceptible de lui éclater sur le corps, elle avait séduit Thomas.
    Surtout, cette vision des choses se révélait bien irréaliste. Avec une certaine cruauté, Édouard le rappela à la jeune fille :
    —    Au moment de s'en aller, Arthur a-t-il indiqué qu'il reviendrait ?
    —    ... Non.
    —    Alors toute cette discussion ne voulait rien dire, n'est-ce pas ?
    Sa sœur se plaisait à souligner les défauts d'un prétendant qui, au terme d'une première visite, ne paraissait pas enclin à récidiver. Cela exprimait un désintérêt pour les charmes, physiques et intellectuels, de la jeune fille.
    Le garçon aimait bien peu se faire traiter d'imbécile à table. Rappeler ce simple constat rendrait sa sœur plus modeste, à l'avenir.
    Le grand magasin Picard profitait de l'extraordinaire affluence du temps des fêtes. Comme les familles se partageaient en deux groupes, celles qui offraient des cadeaux à Noël et les autres au premier de l'An, cela permettait d'étaler un peu l'achalandage. Des sapins décorés de boules de verre coloré, des bouquets de verdure et des guirlandes fixées aux murs donnaient un air festif à la grande bâtisse. Des crèches s'étalaient dans des endroits stratégiques, comme pour rappeler que cette époque de l'année ne se limitait pas à une célébration du commerce de détail.
    Le 31 décembre, Edouard parcourut les différents étages en s'assurant que les décorations demeurent en bon état, et surtout que chacun trouve le bon rayon et le bon produit.
    Un peu après cinq heures, une cloche retentit afin d'inviter les derniers consommateurs à se diriger vers la sortie, alors que des employés placés en faction devant les portes empêchaient quiconque d'entrer. A la demie, le fils du patron verrouilla derrière la dernière acheteuse. Au moment où il se retourna, des travailleurs du service de livraison arrivèrent de l'arrière du commerce avec des caisses de bouteilles de vin, alors que tous les employés se réunissaient au rez-de-chaussée.
    Bientôt, le grand patron descendit les escaliers. Debout sur la troisième marche, alors que tous les yeux se tournaient vers lui, il commença :
    —    Mesdames, Messieurs, nous terminons une excellente année.
    Thomas ne put réprimer un sourire contraint : si le commerce réalisait un joli profit, son propre bilan se révélait cruellement déficitaire, avec la catastrophe du pont de Québec.
    —    Grâce à toutes les célébrations qui se dérouleront en 1908, je ne doute pas que l'avenir sera encore plus radieux. Avant de nous quitter

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