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la Bible au Féminin 03 Lilah

la Bible au Féminin 03 Lilah

Titel: la Bible au Féminin 03 Lilah Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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nez de Toviyyah, prenant soin cependant de ne pas la lui laisser toucher.
    — Tu as raison, dit-il. Voici la lettre d’Artaxerxès le Nouveau, Roi des rois, roi du royaume de Judée. Néanmoins tu as tort. Jérusalem n’est pas à moi, pas plus qu’elle n’est à toi. Le Temple n’appartient pas aux prêtres. Chaque mot qui sort de ta bouche est une souillure. Ici est la ville désignée aux fils d’Israël par Yhwh. Ici sont le Temple et l’autel où le peuple de l’Alliance offre des holocaustes à Dieu. Ici est la terre de Canaan où doivent régner les Lois et la Justice enseignées par Yhwh à Moïse. Et moi, je suis Ezra, fils de Serayah, fils des fils d’Aaron. Si je suis ici pour accomplir cette volonté, c’est que la main de Yhwh est sur moi et sur ceux qui me suivent.
    Ce long discours sembla glisser sur Toviyyah comme de l’eau sur des plumes. Il considéra l’immense foule que nous étions et sourit.
    — Et tu crois, se moqua-t-il bien fort, toi qui es soutenu par Yhwh, qu’il te suffit de venir ici avec une lettre du roi perse pour que tes désirs s’accomplissent ?
    Ezra demeura sans répondre. Le sourire de Toviyyah s’agrandit.
    — Jeune fougueux, cette lettre que tu me brandis sous le nez ne vaut rien. Ici, c’est moi, Toviyyah l’Ammonite, qui gouverne et qui décide du bien et du mal. Et ne compte pas sur les armées du Perse pour te soutenir. Elles ne sont pas apparues depuis des lustres.
    Ces paroles tombèrent dans un silence de gel qui satisfit beaucoup Toviyyah. Il ouvrit grands les bras, et s’adressa à nous tous de sa voix aigrelette, plus perçante encore lorsqu’il parlait fort :
    — Regardez-vous, vous tous ! Vous arrivez dans un pays que les pères de vos pères ont quitté sans avoir été capables de le défendre. Votre dieu les avait abandonnés comme il avait abandonné Jérusalem. Les pères de vos pères sont allés l’oublier l’un et l’autre dans les champs gras de Babylone. Et vous voilà qui revenez en chantant sans rien connaître de la terre de Judée ! Et vous voilà qui revenez en clamant : « C’est chez moi, c’est à moi, c’est moi qui brûle l’encens du Temple ! » Je dis : « Non ! »
    Les prêtres et les dévots grondèrent autour d’Ezra, mais mon frère leur ordonna une nouvelle fois de se taire. La colère fit trembler les joues épaisses de Toviyyah. Il pointa le doigt sur les poitrines cendreuses.
    — C’est Toviyyah qui décide si les murailles de Jérusalem doivent cicatriser ou pas. C’est Toviyyah, grand serviteur d’Ammon, qui décide ce qui est bon ou mauvais pour le Temple de Jérusalem. Et c’est à Toviyyah qu’on paye l’impôt !
    À nouveau, un silence de glace lui répondit.
    Nous étions tous trop stupéfaits pour protester. Les mots qu’il prononçait étaient les pires que nous pouvions entendre. Ils nous humiliaient, ils roulaient la vérité dans le mensonge et piétinaient la beauté de notre espérance.
    Mais Toviyyah, lui, se réjouissait. Il eut pour nous un sourire gras de mépris.
    — Ammon vous souhaite à tous la bienvenue. Il sera heureux de recevoir sa part de votre effort lorsque vous aurez travaillé dans les champs. Car ces champs que vous voyez sous vos pieds, où vous avez dressé vos tentes, ne vous appartiennent pas et ne vous appartiendront jamais. Ici, les Perses ne sont rien. Les soldats d’Égypte et de Grèce les ont fait fuir depuis des lustres. Le seul qui peut vous protéger, c’est moi ! J’ai deux mille hommes d’armes pour ça.
    À cet instant une pierre lui frappa la cuisse. Elle était partie de la main d’Ezra. Il y eut des cris, un peu de confusion. Les gardes qui accompagnaient Toviyyah voulurent se saisir de mon frère. Les jeunes dévots se précipitèrent en hurlant et les repoussèrent. Les gardes firent mine d’engager le combat, mais un geste de Toviyyah les immobilisa. Lui savait que c’était inutile : ils étaient dix et nous étions vingt mille. Mais il savait aussi qu’il possédait d’autres moyens.
    Cependant, emportés par leur fureur, les jeunes dévots poussèrent Toviyyah, et même le soulevèrent jusqu’à sa chamelle, qui blatéra de peur et se dressa si vivement qu’elle faillit le renverser. Toviyyah se rattrapa comiquement à sa selle. Balançant les bras en tous sens, poussant de petits piaillements d’oiseau effrayé, il finit par recouvrer son équilibre… mais à l’envers : il considérait le cul de sa

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