la Bible au Féminin 03 Lilah
ateliers s’ouvrirent. Ceux qui avaient tenu des commerces à Suse en retrouvèrent la pratique. Un sourire glissait de visage en visage. Des couples venaient voir les prêtres, et parfois même Ezra, pour qu’ils bénissent leurs épousailles. Des enfants naquirent par centaines. Comme les durs travaux s’achevaient, je retrouvai les sages-femmes qui m’avaient appris l’ouvrage des naissances. Chaque jour, j’avais le bonheur fabuleux d’accueillir une ou deux vies entre mes mains.
À la surprise de tous, et même de Yahezya, Toviyyah ne réapparut pas. Il ne chercha pas à s’approcher de Jérusalem pour mesurer les progrès des travaux sur les remparts.
Des marchands vinrent nous visiter, vendre et acheter. Ils nous assurèrent que l’on parlait beaucoup de nous chez les peuples voisins, mais avec respect et un peu de crainte.
Nous en conclûmes que notre détermination intimidait. Les prêtres crièrent les louanges d’Ezra, car la main de Yhwh était toujours fermement tendue au-dessus de lui.
Ainsi, pendant un bref moment, une lune peut-être, nous retrouvâmes l’ivresse de l’insouciance, le plaisir de la mission que nous nous étions imposée.
Un matin, nous nous réveillâmes au son des plaintes qui s’élevaient dans la ville. Sogdiam m’apprit que le temps était venu, qu’Ezra lançait le jeûne de la purification du Temple.
Prêtres, lévites, tous ceux qui répondirent à son appel se retrouvèrent devant les ruines de l’autel des sacrifices. Ils y déchirèrent leurs vêtements à grands cris. Une nouvelle fois, ils se couvrirent de cendre.
Les prières résonnèrent encore toute une journée avant qu’Ezra donnât l’ordre de nettoyer les immondices de la cour entourant le Temple.
Ils enlevèrent une à une les pierres souillées. C’était une tâche de colosse. Dans un charroi qui dura de l’aube au crépuscule pendant neuf jours, ils les déposèrent en dehors de la ville, dans un lieu impur que les anciens prêtres avaient désigné à cet effet.
À coup de masse ils démolirent l’autel des holocaustes. Selon la Loi, ils en érigèrent un nouveau avec des pierres brutes tirées des collines.
Après quoi, les vieux qui avaient connu l’ouvrage de Néhémie vinrent voir Ezra et lui dirent :
— Il faut le feu de nephta !
Ils menèrent Ezra à un puits que nul n’avait découvert, car un amas des ruines irrécupérables avait été entassé dessus. Une fois les gravats dégagés, on découvrit le couvercle du puits en bon état. Et au fond, au lieu d’eau, une mélasse puante et noire.
Les vieux expliquèrent à Ezra qu’il devait enduire le sol du Temple avec cette mélasse avant de le reconstruire.
— Et comment le reconstruirai-je proprement une fois que cette poix collante sera partout ? protesta Ezra.
Les vieux rirent et répondirent :
— Laisse faire Yhwh, laisse faire le soleil ! Ainsi fut fait. Ils répandirent cette puanteur à pleins seaux sur ce qui restait du vieux bois et sur les dalles de marbre disjointes.
L’air de la nuit fut irrespirable sur des lieues aux alentours du Temple et nous étions nombreux à nous inquiéter de bientôt ne plus pouvoir respirer. Cependant, quand le soleil frappa le Temple au matin, la mélasse se liquéfia. Elle fuma un peu avant de devenir aussi brillante qu’un or noir. Pendant un instant, tout resplendit. Puis, dans un aboiement assourdissant, une flamme bleue jaillit.
Les vieux crièrent de joie en dansant et chantant :
— Nephta ! Nephta, l’aboiement de Yhwh !
Un instant plus tard, le feu avait disparu, les dalles de marbre étaient sèches et pas plus chaudes que si le soleil seul les avait brûlées.
Ce fut un spectacle si merveilleux et si étonnant que les enfants coururent des jours entiers dans les rues de la ville en imitant l’aboiement de Dieu !
Ezra et les siens reprirent leur labeur. Ils fabriquèrent de nouveaux objets sacrés remplaçant ceux qu’ils n’avaient pas apportés. Les lévites introduisirent le chandelier dans la salle sacrée, montèrent une nouvelle table sur laquelle ils firent brûler de l’encens et fabriquèrent de nouvelles lampes pour illuminer le Temple. Les menuisiers travaillant sous leurs ordres achevèrent les portes, les portiques, les couronnes recouvertes d’or et les écussons qui en décoraient la façade. Enfin, un jour du mois d’av, Ezra déclara que le Temple était pur et pouvait accueillir nos chants.
Trois journées et deux
Weitere Kostenlose Bücher