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La Cabale des Muses

La Cabale des Muses

Titel: La Cabale des Muses Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gerard Hubert-Richou
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avaient gommé en quelques mois ses allures mâtines de pirate en herbe et, en quelques semaines, les traits de l’enfance. Elle n’était pas encore très étoffée, mais il n’était désormais plus possible de la confondre avec un garçon.
    — Mes amis, poursuivit Jean-Baptiste, je suis ravi de vous retrouver tous en parfaite santé et de vous accueillir à ce banquet qui marquera une journée particulière pour de nombreuses raisons. Nous les évoquerons de mets en mets jusqu’à tirer le bilan de cette sombre affaire dans laquelle vous avez tous joué un rôle déterminant. Ne vous montrez pas si modestes ! Sa Majesté qui m’a reçu tantôt est sincèrement reconnaissante de votre dévouement à la couronne et saura vous remercier à la hauteur de vos mérites respectifs. Je dois vous apprendre les derniers développements officiels de l’enquête, puis passerai la parole à chacun de ceux qui souhaiteront s’exprimer. Monsieur de La Reynie regrette de n’avoir pu se joindre à nous, bien qu’il apprécie fort la cuisine de ce lieu, mais sa charge… ses charges devrais-je dire, ne lui laissent guère le loisir de se distraire. Cependant, il a insisté pour que nous soyons ses invités.
    Seignelay s’octroya une petite pause afin de déguster ce vin de Bourgogne délicieusement velouté et laisser fuser quelques exclamations et remerciements ; puis il poursuivit son exposé :
    — Vous n’ignorez pas que notre lieutenant général de la police parisienne a été nommé procureur de la commission extraordinaire et chargé de juger l’affaire des « Muses ». C’est une tâche colossale qu’il tient à mener à bien dans les meilleurs délais – par crainte de s’éterniser et de manquer le but principal –, avec toute la probité, l’honnêteté, l’efficacité qu’on lui connaît. Ce sont messieurs Pommereux et Bezons (conseiller d’État et maître des requêtes au Parlement) qui instruisent le procès. Jusqu’à ce jour, Rohan, contre lequel aucune charge grave n’était retenue, niait tout avec une grande assurance auprès des juges…
    Il s’interrompit un instant, sourit avec malice, plissa les yeux… et s’humecta le gosier :
    — Seulement, la forme de ma phrase a dû vous avertir : je vous annonce donc un renversement inattendu de la situation !
    On se récria, se félicita et l’on bissa les clameurs car les marmitons en grand apparat apportaient les plats joliment décorés du premier service, soit quatre potages différents qui furent disposés aux quatre coins et autant d’entrées dans des tourtières à l’italienne, avec deux salières au centre pour la symétrie.
    On oublia le discours et l’on se mit à déguster dans un murmure quasi religieux, piochant ici et là dans les différents plats ; mais Brissac, après quelques bouchées reconnues d’une rare finesse, se permit d’intervenir :
    — Monsieur, à l’arrivée de ces délices, vous nous avez en quelque sorte alléchés d’une autre manière et laissés sur notre faim, si je puis m’exprimer ainsi.
    Jean-Baptiste Colbert fils, plus convivial que son père de par sa jeunesse, mais qui marchait sur les brisées de celui-ci par son autorité naturelle, reprit la parole :
    — En effet, vous avez raison. Je serai donc bref. Monsieur Bezons a eu l’intelligence d’aborder le chevalier qui a échappé à la question sans doute par ordre supérieur, sans le brusquer, et le mettre peu à peu en confiance. Ainsi, au fil de leurs rencontres, il put lui promettre (sans rien garantir toutefois) une certaine indulgence de la part du roi et du moins de sauver sa tête. Rohan n’en espérait pas tant et, s’engouffrant dans la brèche, se laissa porter à des confidences, dans l’espoir fou d’un ultime pardon. Il lui raconta toute sa participation par le menu, ne lui épargna aucun détail ni ses réticences, ni les provocations, les harcèlements de La Tréaumont, et son accord final pour diriger la révolte. Le malheureux était tombé dans le piège. Il signa sa déposition et, par là même, son arrêt de mort si une grâce royale n’intervenait pas. Il n’aurait que ce qu’il méritait, à notre soulagement à tous.
    Il leva son verre. On se réjouit de ces aveux qui compensaient la perte de La Tréaumont quand se présenta le deuxième service : un faisan dans son plumage admirable, une pièce de biche rôtie en feuilleté sur un lit de petits légumes : pois, fèves, haricots,

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