Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La canne aux rubans

La canne aux rubans

Titel: La canne aux rubans Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Grangeot
Vom Netzwerk:
le
tympan. On chuchote qu’il fait couple avec Brown, le chef du personnel, qui
nous avait accueillis, Louis et moi, à ma première arrivée. Quant aux fameuses
« piqûres », il connaît et ne transgresse pas les habitudes.
    Les vacances surviennent. Heureusement, car la fatigue nous
anéantit. Sur le bateau, Baquet s’inquiète à l’idée de revoir Catherine et son
fils Firmin.
    — J’ai bien envie de rester planqué à bord, d’attendre
quelques jours et de sauter dans un train pour Paris, me confie-t-il.
    — Je te laisse libre de ta conduite, mais je te
conseillerai d’être un peu plus courageux.
    Ma réflexion le laisse rêveur. À Marseille, il descend sur
le quai un des premiers et se perd dans la foule. Il me faudra donc attendre
soixante jours pour connaître la suite de l’histoire. Je m’offre d’abord un
dîner sur la Canebière en compagnie de mon frère toubib Pierre Michelet, après
une visite à son cabinet. Durant le repas, nous parlons à cœur ouvert tout en
nous régalant de poissons et de viandes bien arrosés.
    — Tu es très solide Adolphe, voilà ta chance.
Oui ! je te trouve amaigri, le visage buriné. Tu dois te reposer. Par expérience,
je puis te dire que le troisième et surtout le dernier séjour sont toujours les
plus durs à supporter. Dors beaucoup, mange bien, continue à prendre la quinine
par précaution et surtout pour ne pas rompre avec ce produit. Le corps s’y
habitue. Repasse me voir avant de partir, je te ferai des nouveaux vaccins qui
te protégeront.
    Je remonte sur Paris, m’arrête juste à la « Chartered
Cie » pour y déposer, sur le bureau de Barrett, des plis que j’ai
transportés et toucher mon chèque. J’entraperçois Lecourtois qui m’annonce la
venue de papa Rabier dans un mois.
    — Au retour, je l’embrasserai, lui dis-je. Pardonne-moi
si je ne fais qu’entrer et sortir, mais mon train m’attend.
    — File, mon frère, je ne te retiens pas. À bientôt.
    Voulant surprendre les miens j’arrive à Saint-Aignan sans
tambour ni trompette. Je me dirige vers le café de mon Ours et m’installe, mine
de rien, à la terrasse. J’entends sa voix, depuis l’intérieur, demander :
    — Qu’est-ce que je vous sers ?
    — Une fillette, une bonne et bien fraîche, dis-je en
déformant ma voix.
    — Tout de suite.
    Là, devant moi, il dépose le verre et la bouteille sur le
marbre du guéridon. Je baisse la tête pour qu’il ne voit pas mon visage.
    — À votre santé, Monsieur, lance mon Ours en s’en
allant.
    Je le rattrape avec cette phrase clef :
    — On ne trinque plus avec son coterie ?
    Il se retourne, me regarde. Son visage passe du blanc au
cramoisi. Sa voix change plusieurs fois de ton. Enfin il éclate, me prend dans
ses bras, m’écrase, hurle le prénom de Marianne, me caresse les joues, me palpe
la poitrine et le dos, m’embrasse des dizaines de fois, pleure en faisant
entendre de gros sanglots, crie à qui veut l’entendre :
    — Il est revenu, mon petit. Il est là, le plus
généreux, le plus beau. Mon fils est là.
    Des gens, qui passent sur la route, s’arrêtent médusés. Un
gamin met l’index sur sa tempe et le tourne en criant à son tour :
    — Il est fou le patron !
    Marianne arrive. Elle se jette sur moi. Tous deux sont
accrochés, me tirant les vêtements, bavant sur ma veste.
    Beauceron hurle pour les clients à l’intérieur :
    — On ferme ! Vous entendez, je ferme. Il est
revenu.
    Calmer deux furies éclatant de joie semble très difficile,
mais avec le temps tout devient possible. J’arrive enfin à parler :
    — Et si je visitais votre établissement ?
    — Oh ! que oui, mon drôle ! Viens, tu vas
tout voir. Ta cuisine est rangée La Marianne ?
    — Bien sûr, je ne traîne pas.
    Ils me montrent les moindres recoins, ouvrent les placards,
désignent les bouteilles, présentent les pièces du haut. Nous redescendons dans
le jardin pour voir les légumes, le pied de vigne, le cerisier, et même les
latrines. Durant cette visite guidée, les commentaires s’enchevêtrent, se
superposent. Le petit index de Marianne s’agite pour me faire remarquer un
détail, tandis que mon gros Ours a passé son bras sous le mien comme pour ne
pas me perdre.
    — Très bien, mes amis, vous avez une belle affaire très
propre, bien tenue, bien garnie. Y-a-t-il de la clientèle ?
    — Au début, avoue mon Ours, cela nous semblait un peu calme
et puis petit à petit, de bouche à

Weitere Kostenlose Bücher