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La canne aux rubans

La canne aux rubans

Titel: La canne aux rubans Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Grangeot
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oreille, les gens ont su qu’on avait repris
l’affaire.
    — Ils sont venus en curieux, minaude La Marianne.
    — Et ils sont bien accrochés maintenant, coupe
Beauceron. Mais toi, mon petit, comment te sens-tu ?
    — Et la famille comment va-t-elle ?
    — J’y suis allée ce matin en faisant mes courses, avoue
La Marianne. Nanette attend le télégraphiste derrière la porte.
    — Je monte les voir. Venez ce soir après la fermeture,
proposé-je.
    — Nous y serons après le souper, répond l’Ours. Compte
sur nous, tu penses ! Je monterai tes malles dans ma brouette. Laisse tout
ici. Va vite faire tes bises, y’a rien de meilleur en ce monde !
    Ma mère pleure en me voyant. Nous restons dans les bras l’un
de l’autre blottis en silence tandis que la grosse pendule sonne la demie comme
pour marquer cet instant. Elle me fait asseoir dans le fauteuil de mon père et
ses yeux semblent me caresser très doucement, presque avec précaution.
    — Je t’attendais, mon Adolphe.
    — Moi aussi maman, il me tardait de te revoir.
    La conversation vient lentement, à pas feutrés, pour ne pas
déranger notre intimité.
    — Tu es bien maigriot, mon petit. Ça a été dur ?
    La porte s’ouvre, voilà Marie, son panier à provisions à la
main. Elle le lâche et vient m’embrasser, en bondissant dans mes bras. Puis,
comme des oiseaux choisissant le fil où ils vont se percher, tous les autres
arrivent en criant leur joie. Je reprends vite mes habitudes. En soirée, nos
« cafetiers » montent jusque chez nous. Les mots jaillissent et remplissent
la maison.
    — Papa Rabier revient en France dans quarante jours,
annoncé-je.
    — Tu vas le voir ? demande Beauceron.
    — Diable oui ! pour une fois que nos dates de
séjours en France correspondent, nous ne pouvons nous manquer.
    — Et Balme, le rencontres-tu aussi ?
    — On ne m’en a pas parlé, l’Indochine se trouve plus
loin.
    La Marianne a remonté de sa cave deux bouteilles de Chinon.
Nous les savourons dans un silence religieux, rompu par quelques claquements de
langue.
    Depuis mon arrivée je dors comme un loir. Après un léger
« tue-ver », je parcours les bois et me surprends à parler aux
arbres, leur contant la vie de leurs cousins du Zambèze. Les branches
dodelinent comme si elles comprenaient mon langage. Deviendrai-je un peu
fou ? Non ! Tout simplement heureux. Vers dix heures et demie je
retrouve Marie pour faire les courses en sa compagnie.
    — Je suis bien aise de bavarder avec toi, ma grande
sœur. N’as-tu rien à me confier ? Pas de soucis qui t’ennuient ?
    — Peu de chose, Adolphe. Julienne aime son travail chez
le notaire et reste d’une grande discrétion. Georgette se débrouille
parfaitement chez sa couturière.
    — Crois-tu que ta sœur soit capable de travailler
seule ?
    — Pas tout à fait, dans un an probablement. Georges,
sérieux et consciencieux, rêve de faire comme toi et de suivre les traces des
hommes de la famille.
    — Et Henri ?
    — Un bon petit gars. Son patron l’aime beaucoup. Il
rejette sur lui tout l’amour réservé à son seul fils décédé. Mais le père
Mathieu vieillit. Sa femme ne vaut guère mieux. Quant à Frédéric, il est
difficile à comprendre ; moi-même, je ne le saisis pas.
    — Que voudrait-il faire, a-t-il une idée, un
rêve ?
    — Rien… c’est ça qui est triste. Il travaille mal à
l’école, plane sur des nuages et redescend rarement au sol.
    — Je vois, dis-je en oscillant la tête. Et toi, ma
Marie, pas de galant en vue ?
    — Je consacre toute ma vie aux nôtres, un peu comme toi
Adolphe. Nous nous battons sur deux plans différents pour les aider. Seul le
fils du boulanger me fait des tas de sourires, mais rien de plus ! Je
terminerai vieille fille.
    — Faut pas dire ça, Marie. La pendule te semble
arrêtée, mais elle sonnera un soir au moment où tu t’y attendras le moins.
    — Crois-moi Adolphe, ni toi ni moi ne connaîtrons le
mariage. L’un, parce qu’il tourne autour de la terre et ne peut prendre le
temps de s’arrêter ; l’autre, parce qu’elle est bloquée dans ce bourg pour
de longues années encore.
    Je reste encore quelques jours auprès des miens, puis je
regagne Paris en attendant l’arrivée de papa Rabier. J’en profite pour assister
à des spectacles. Je découvre le musée du Louvre et le musée Grévin qui me
plaisent beaucoup. Lemercier, avec lequel je dîne, me prévient de l’arrivée
imminente

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