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La canne aux rubans

La canne aux rubans

Titel: La canne aux rubans Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Grangeot
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répond :
    — C’est un peu partout pareil. Le toubib en place tente
de limiter les dégâts, mais il peut se tromper par négligence. Simple question
de chances.
    Le lendemain soir, il m’emmène à la loge maçonnique où les
travaux se déroulent avec beaucoup de rectitude. Je passe quelques heures
agréables et enrichissantes. Dans des magasins spécialisés en articles
coloniaux, j’achète vêtements, colifichets, et deux paires de bottes, ainsi
qu’un costume pour mes soirées au club ! Je déguste ensuite quelques
poissons accompagnés d’un rosé de Provence particulièrement gouleyant dans un
restaurant de la Canebière. Au moment où je termine par un café arrosé,
j’aperçois Louis Baquet qui déambule tranquillement. Je le hèle. Il vient
s’asseoir à ma table.
    — Nous voilà réunis, mon cher Adolphe, une dernière
fois sur cette terre française.
    — Comment se sont passées tes vacances ?
    — Mal et bien à la fois. À Vichy, j’avais rencontré l’année
dernière une petite qui, tiens-toi bien, ces jours-ci m’a présenté mon fils, un
« gniard » de quatre mois ! J’en serais le père !
    — Et alors ?
    — Il ressemble à tous les « gniards ». Je
n’ai pas trouvé de similitude entre ses traits et les miens.
    — Et qu’as-tu fait ?
    — Oh ! l’ami, la prudence est mère de la vertu.
Catherine voulait que je reconnaisse le gosse et que je me marie avec elle… pas
de ça Lisette. Je ne la crois pas pute, mais fille facile, donc paternité
douteuse ! Elle sait que j’ai une bonne situation par rapport aux hommes
qu’elle peut fréquenter. Son choix se trouve simplifié ! Tu me
saisis ?
    — Et comment ! dis-je un peu accablé. Et ta
santé ?
    — Mieux, je refais surface comme les hippos sur le
Zambèze. Je t’offre le champagne.
     
    En abordant l’océan Indien, la traversée devient pénible. Je
reste cloîtré dans ma cabine, suant comme beurre au soleil et rendant tout ce
que je me force à boire ou à avaler. En vue des côtes du Zanzibar, la tempête
se calme et mes forces retrouvent un regain de vie. À notre retour à Vila de
Sena, nous offrons plusieurs tournées aux camarades présents.
    Le travail reprend. Il faudra attendre encore deux mois pour
voir les flots diminuer d’intensité. Nous pourrons alors réparer les dégâts,
avant de continuer plus loin. Durant notre absence, des hommes sont morts dont
trois de maladie qui ont eu droit à une croix de bois. Cinq ouvriers, dont deux
Portugais, ont été entraînés au fond de l’eau dans les gueules des crocos. Un
jour, je crois que c’est mon tour mais j’arrive à ne perdre qu’une de mes
bottes au fond du fleuve. Malgré les chasses auxquelles se livrent nos soldats,
le nombre de ces bestioles malfaisantes reste sensiblement le même et leur
appétit demeure toujours aussi vorace. À ce propos, le mien diminue dès que je
me trouve sur ce coin de la planète. Lorsque je repense à ce que j’avalais
autrefois sans me forcer aucunement, cela me donne à réfléchir. Louis et moi
maigrissons très lentement, mais régulièrement.
    — Les bons coqs sont toujours maigres ! me lance-t-il
en s’esclaffant.
    Puis, brusquement sérieux, il ajoute :
    — Tu sais que j’ai reçu une lettre de Catherine ?
    — Et alors, elle prétend toujours que tu es le
père ?
    — Regarde cette photo, tu les verras tous les deux.
    Je contemple une femme brune, souriante tenant dans les bras
un bébé faisant la grimace. Lui rendant la photo, je réponds :
    — Le bébé peut être un petit Baquet ou un Dupont, ou un
Bernardeau ! Catherine en revanche, est assez jolie.
    — Ouais ! fait-il songeur. Tu as raison.
    — Vrai ou faux le gamin n’a rien demandé. Elle se bat
en affirmant sa vérité. Que penses-tu faire Louis ?
    — Gagner du temps. Lors de mon prochain retour, je
regarderai mieux le gosse. Et s’il est de moi…
    — Tu l’épouses ?
    — Peut-être. Mais avoue que se marier et ne pas vivre ensemble
est parfaitement stupide.
    — Certes. Je te comprends.
    — Dis-moi Adolphe ! Tu n’as jamais fait de gosse à
une fille ?
    — Pas à ma connaissance. Ma mère aimerait bien en faire
sauter un sur ses genoux. Pour le moment, je me l’interdis.
    Au courrier suivant, une lettre de mon gros Ours arrive.
J’ai de la peine à lire tant, sans doute trop ému, il a oublié d’écrire des
mots que je dois deviner. Il me gronde, m’engueule, me remercie,

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