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La canne aux rubans

La canne aux rubans

Titel: La canne aux rubans
Autoren: Jean Grangeot
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amis et je reprends le
lendemain le train pour Bucarest. Content de retrouver ma chambre d’hôtel, je
passe une nuit très calme tout en ayant une pensée pour Julie avant de
m’endormir. Le lendemain, le concierge me remet un paquet long et assez mince,
que je déballe dans ma chambre. Ma surprise est immense. Marie a envoyé ma
canne de compagnon. Je la regarde, la palpe dans les moindres de ses détails et
l’embrasse tandis que des larmes me viennent aux yeux. Deux rubans manquent. Ce
sont ceux que j’ai offerts et brûlés pour papa Rabier le jour de ses obsèques.
Cet objet, sans valeur aucune, reste finalement ma plus grande richesse. Mon
moral, d’un coup, vire au beau fixe. Je ne suis plus seul. Elle est là, avec
moi, et l’après-midi, comme un gosse qui a retrouvé le jouet auquel il tenait
le plus, je me précipite à la librairie pour relater l’événement à Julie.
Celle-ci, avec gentillesse, participe à ma joie et nous décidons de fêter cela
ensemble.
    — Il faut me montrer votre trésor, monsieur Bernardeau.
Je n’en n’ai jamais vu.
    — Alors d’accord. Rendez-vous au Bulevard.
    Julie a mis une robe différente de celle de notre premier
rendez-vous. Elle regarde ma canne avec une curiosité mêlée de respect. Son
doigt effleure les incrustations, les rubans.
    — Très beau, me dit-elle avec sérieux. Je comprends que
vous y teniez beaucoup. Quelle présence, quelle compagnie, quelle aide pour
celui qui marche à la découverte de cette terre ! Mais, ajoute-t-elle avec
un petit sourire malin, je retrouve les mêmes signes et graphismes que sur les
livres de certains de mes clients. Comme c’est drôle !
    Je ne réponds pas, reprends ma canne pour la ranger dans
l’armoire à glace.
    — Avez-vous faim, Madame ?
    Elle se tient droite, immobile devant moi, ses yeux
pénétrant les miens avec douceur.
    — Ne croyez-vous pas que nous devrions abandonner les
Madame et Monsieur pour nous appeler par nos prénoms ?
    — J’y avais pensé, mais n’osais vous le proposer. Soit
Julie, allons dîner.
    — Je vous suis Adolphe.
    Julie vit seule. Une bonne lui entretient son appartement et
une employée, Ionna, à la librairie, sert les clients, fait les paquets et les
courses.
    — Je ne trouve pas ma vie triste, mais monotone.
Quelques hommes ont tenté de me faire la cour, mais ils ne désiraient que mon
corps. Ce qui m’a plu en vous, Adolphe, c’est votre retenue, votre galanterie
sans quiproquo ; à moins, ajoute-t-elle en souriant, que je ne représente
pour vous qu’une simple relation ?
    Je me trouve tout bête et baisse la tête en fermant les
yeux. Je murmure :
    — Le respect que je vous porte, Julie, m’empêche de
faire dévier nos rapports et je ne voudrais pas vous perdre en vous choquant.
    Nous restons silencieux devant nos assiettes. Le sommelier
vient remplir nos verres et souhaite mon avis sur le vin. Je lui demande de
quelle région il provient, histoire de rompre le moment gênant que nous vivons.
À nouveau seuls Julie relance la conversation :
    — Aimez-vous le canard ? Adolphe.
    — Bien sûr, dis-je avec empressement.
    — En ce cas, verriez-vous un inconvénient à ce que je
vous en prépare un dans la cuisine de mon appartement ? Je vous le ferai
avec des petits oignons et des herbes de par ici.
    — Excellente perspective.
    — Êtes-vous libre, demain soir ?
    — Toujours, Julie, pour vous et pour un canard.
    Le garçon débarrasse notre table puis apporte le café. Julie
le boit sans sucre par petites gorgées. Puis elle renverse le fond de sa tasse
sur sa soucoupe et regarde avec attention le marc qui semble former des
dessins. Je l’observe en souriant.
    — Vous allez vous moquer de moi, Adolphe, mais j’ai
pris cette habitude des Roumains. On peut y lire l’avenir proche.
    — Et que voyez-vous ?
    — La couronne du bonheur, répond-elle avec sérieux.
    — Vous y croyez ?
    — J’ai toujours cru au bonheur, mais lui m’a ignoré.
Vous allez me prendre pour une diseuse de bonne aventure, une Turque
superstitieuse ou une Tzigane un peu folle. Ce geste remonte loin dans le
temps. Mais laissons tout cela, il faut penser à rentrer.
    Je l’ai raccompagnée sur le pas de sa porte et brusquement,
avant de la quitter, je l’ai embrassée sur la joue, puis je suis parti sans me
retourner comme si j’avais commis une grosse faute. Le lendemain, en fin
d’après-midi, j’achète des fleurs pour Julie. C’est la
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