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La canne aux rubans

La canne aux rubans

Titel: La canne aux rubans
Autoren: Jean Grangeot
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quelques
ministères. Nous nous reverrons ici. Excusez-moi il faut que je rentre, j’ai un
dîner ce soir. À bientôt mon concitoyen, ajoute-t-il en souriant.
    Je termine ma Tuica et reprends un petit sandwich au saumon,
puis je règle et sors. Ce soir, je ne mangerai pas. Cela me fera grand bien. Un
peu plus loin j’achète dans une librairie un petit lexique franco-roumain. Une
dame fort aimable s’occupe de moi. Je découvre qu’elle est Française.
    — Ce lexique vous donnera la traduction des mots les
plus usuels.
    — Bien sûr, Madame. Reste l’accent, le plus
difficile ! Comment avez-vous fait pour le maîtriser ?
    — Oh ! la réponse est simple, je suis dans ce pays
depuis vingt-cinq ans. Il serait malheureux qu’il en fût autrement.
    Cette femme est de taille moyenne, brune, vêtue d’une robe
noire assez stricte. Son visage me paraît doux et agréable, ses gestes sont
précis et sa voix claire.
    — Si vous avez besoin d’autre chose, Monsieur, ne
manquez pas de me le demander.
    — J’y songerai, merci de votre amabilité.
    Je règle à la caisse en lei et banni. Dans ma chambre, je
commence mon initiation à la langue roumaine et m’endors sur mon livre. Durant
les jours suivants, mes promenades sont orientées vers les musées de la ville,
ainsi que vers quelques églises et monastères. Je trouve tous les styles et
toutes les influences étrangères. Je me familiarise avec les empreintes
bulgares, turques, grecques, russes et autrichiennes. J’enrichis mes yeux et
mon esprit tout en pénétrant mieux l’âme roumaine, et note sur un petit cahier
mes impressions.

 
XIII
    Je retourne plusieurs fois voir la Française de la
librairie. Nous bavardons beaucoup et j’achète quelques babioles, comme si je
voulais justifier mes visites. J’apprends qu’elle se nomme Julie Garreau,
qu’elle est veuve, aime la campagne, les fleurs, que son mari était Roumain et
qu’ils s’étaient connus en France. Ses beaux-parents possédaient une importante
exploitation agricole en Moldavie du côté de Foscani, au nord-est du pays.
    — Me permettriez-vous, Madame, de vous inviter à
dîner ? Nous pourrions bavarder sans être dérangés par vos clients.
Voulez-vous demain ?
    Julie marque un temps, puis d’une voix légèrement
empressée :
    — Mais avec plaisir. Où nous retrouvons-nous ?
    — Dans le hall du Bulevard nous déciderons ensuite du
lieu des agapes.
    Le lendemain, je reçois un mot d’Yvan Corneliu qui me fixe
un rendez-vous à son ministère en début d’après-midi. J’y arrive vers quinze
heures.
    — Mon cher Adolphe, je suis désolé de t’avoir lâché,
mais, en bon fonctionnaire enchaîné, je n’ai pu me libérer. Venons-en au fait.
Mais d’abord te plais-tu ici ?
    — Tout me semble agréable, mais je commence à
m’ennuyer. Il me faudrait travailler un peu, juste pour me justifier vis-à-vis
du temps qui passe. Le tourisme c’est bien, mais pas suffisant.
    — Un de nos amis, directeur d’une usine à gaz, a des
soucis pour évacuer des chutes de matériaux ferreux et autres. Je sais d’autre
part qu’à Resita, dans le Banat à l’Ouest, du côté de la frontière yougoslave,
une fonderie recherche ces matières. Tu peux très bien faire l’intermédiaire et
gagner quelques lei au passage. Va voir Da Costa, étudie la question avec lui,
puis file à Resita discuter le prix de vente. Tu y rencontreras Tuttarescu, un
grand barbu d’un abord très froid qui parle un peu le français, mais est très
très dur en affaires. Je t’ai indiqué sur ce papier les prix de vente
pratiqués, auxquels du devras ajouter le transport et ton bénéfice. Pour les wagons,
j’en mettrai quelques-uns à ta disposition gratuitement. Pour les autres, je te
mentionne les tarifs mais Brunesco t’arrangera ça. Bonne chasse Adolphe !
Te voilà un peu remis en selle.
    — Tu veux dire en selle, comme un vieux cavalier.
    — Ma langue a mal tourné, dit-il en s’esclaffant.
    En sortant du bureau de Corneliu, je visite le jardin du
Cismigu. Bien sûr, en hiver, ce n’est guère passionnant, car la neige recouvre
tout et le lac est gelé. Cette marche me permet de réfléchir un peu à l’affaire
que l’on me propose. Puis je rentre à l’hôtel et l’image de Julie me vient à
l’esprit. Comment cette femme occupe-t-elle ses soirées ? Elle a sûrement
un ami. Où demeure-t-elle ? Je me pose bêtement une série de questions
auxquelles je ne puis donner
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