La chambre ardente
maîtresse de Fouquet.
Et Olympe n'aurait pas seulement voulu empoisonner Mlle de La Vallière, mais elle aurait, dans sa fureur jalouse, déclaré à la Voisin :
– Je porterai vengeance plus loin et ne ménagerai personne. Je me déferai et de l'un et de l'autre !
« L'autre » était Mlle de La Vallière.
« L'un » n'était-il pas le Roi ?
La comtesse du Roure, et Mme de Polignac, et Mme de La Motte voulaient toutes, comme Olympe Mancini, comtesse de Soissons, conquérir ou reconquérir l'amour du Roi, donc empoisonner Mlle de La Vallière.
Et celle-ci, en effet, fut prise de fièvres et de vomissements. Et le duc de Soissons, le mari d'Olympe, mourut.
Le Roi lui-même eut des langueurs, des maux de tête.
La princesse de Tingry, la marquise d'Alluye, la duchesse de Vivonne étaient elles aussi des visiteuses régulières de la Voisin et de Lesage, d'après ces empoisonneurs. Toujours dans le même but : un homme qu'il faut séduire – ce peut être le Roi –, une rivale qu'il faut écarter – ce peut être Mlle de La Vallière –, un mari ou une épouse dont il faut se débarrasser.
Et Marie-Anne Mancini, duchesse de Bouillon, est venue chez la Voisin en compagnie de son amant, le duc de Vendôme, demander qu'on invoque les puissances maléfiques pour en finir avec son mari, ce gêneur.
Et quand le sang des nouveau-nés, les messes noires ne suffisaient pas, pourquoi ne pas user de poudres, de drogues, d'arsenic ?
Et puis, il y a dans les copies de documents ce relevé de l'interrogatoire de la Voisin concernant Jean Racine. Elle dit tenir ses certitudes de Mme Gorle, mère de Marie-Thérèse de Gorle, dite la Du Parc, comédienne, peut-être épousée par Jean Racine, et, selon la Voisin, empoisonnée par lui.
« Mme de Gorle m'a dit que Racine, ayant épousé secrètement la Du Parc, était jaloux de tout le monde, et particulièrement de moi, la Voisin, dont on avait beaucoup d'ombrage.
« Il s'est défait de la Du Parc par le poison et à cause de son extrême jalousie. Et pendant la maladie de la Du Parc, Racine ne partait point du chevet de son lit. Il lui retira de son doigt un diamant de prix, et ainsi avait détourné les bijoux et principaux effets de la Du Parc qui en avait pour beaucoup d'argent, que même Racine n'avait pas voulu que la Du Parc parle à Manon, sa femme de chambre, qui était sage-femme. Et elle, la Voisin, avait connu la Du Parc pendant quatorze ans. Et Racine n'avait pas voulu que la Voisin la visite, alors que la Du Parc le voulait. Et que la mère de la Du Parc, Mme de Gorle, et Manon, et elle, la Voisin, pensaient que Racine avait empoisonné son épouse cachée. »
Une lettre de cachet avait été préparée par Louvois, en date du 11 janvier 1680, pour « l'arrêt du sieur Jean Racine ». Elle ne fut pas envoyée, mais la rumeur de l'arrestation de « gens de qualité », de « grandes dames de condition », grossissait. Je me souviens que l'on s'interrogeait à voix basse.
J'avais noté, à la fin de cette année 1679 et au mois de janvier 1680 :
« On est dans une agitation, on envoie aux nouvelles, on va dans les maisons pour apprendre... On ne parle pas d'autre chose. Un voyageur rentré de Londres me dit que, dans tous les pays étrangers, aux Provinces-Unies comme au Brandebourg ou en Angleterre, un Français voudra dire un empoisonneur. »
J'avais recueilli quelques-unes des rumeurs les plus folles qui secouaient la Cour et Paris.
On avait même jeté à la Bastille un chroniqueur qui avait assuré que le maréchal de Luxembourg – accusé et bientôt embastillé – avait voulu empoisonner le Roi, et que, dans le four de la Voisin, il avait réduit en poudre trois enfants, ses bâtards, nés de ses relations avec la princesse de Tingry, sa belle-soeur.
J'avais noté :
« On dit cent mille ordures effroyables. On parle d'une procession blanche, d'un prêtre tout nu avec une étole, suivi de douze femmes nues, d'autres orgies ou sacrifices faits au diable... »
J'avais rapporté, je m'en souviens, ces rumeurs à Nicolas Gabriel de La Reynie, bien que je fusse persuadé qu'il les connaissait.
Il me dit, cherchant peut-être à se rassurer :
– Quelques empoisonneurs et empoisonneuses de profession ont trouvé moyen d'allonger leur vie en dénonçant de temps en temps un nombre de gens de considération qu'il faut arrêter et dont il faut instruire le procès, ce qui leur donne du temps.
Il avait
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