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La chambre du diable

La chambre du diable

Titel: La chambre du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Harding
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Cecily avait fait un signe du
bout des doigts. Pike le fossier l’avait suivie des yeux en s’humectant les
lèvres en dépit des menaces de son épouse.
    – Si je te surprends encore une fois avec cette
gueuse, avait-elle piaillé, tu ne seras rien de plus qu’un hongre !
    Pike avait vacillé et posé une main boueuse sur l’épaule
de son compagnon.
    – Nous ferions mieux d’y aller, avait-il articulé
non sans mal.
    – Où ? avait répété Joscelyn.
    Watkin avait tapoté son nez charnu et cligné de l’œil.
    – Secrets, avait-il bafouillé. Grands secrets !
    Le tavernier avait reculé et jeté un regard inquiet
alentour. Les ragots disaient-ils vrai ? Ces deux-là étaient-ils des coquins
appartenant à la Grande Communauté du Royaume ? Fomentaient-ils trahison
et rébellion contre Jean de Gand ? Si c’était le cas, il n’en voulait rien
savoir ! Gand avait une façon bien à lui de s’occuper des traîtres : il
les pendait comme des rats au gibet de Smithfield ou de l’autre côté du Pont de
Londres. Les espions grouillaient à Southwark comme puces sur l’échine d’un
chien bâtard.
    – Prenez garde ! les avait-il prévenus avant
de se retirer dans la grand-salle non sans avoir, avec soin, fermé l’huis
derrière lui.
    Watkin et Pike s’étaient dirigés en chancelant vers l’église,
avaient franchi la grille du cimetière et pris leurs quartiers sous l’if, à l’autre
bout du vaste enclos qui bordait le vieux bâtiment de St Erconwald. Ils avaient
bu et attendu en regardant le soleil se coucher et les étoiles se lever. Puis
ils avaient vu, en haut du clocher, la faible lueur émanant d’un brasero.
    – Il est là-haut, remarqua Pike, faisant
référence au prêtre de la paroisse, frère Athelstan, le dominicain. Il est
là-haut, en train d’observer ses maudites étoiles ! Lui et son chat. Comment
qu’y s’appelle, déjà ? Hein ? Benedicta ?
    – Benedicta ! railla Watkin. C’est la veuve,
tu sais, au teint mat et aux yeux noirs qu’a du goût pour frère Athelstan.
    Il se pencha, l’air d’un conspirateur.
    – Son chat borgne s’appelle Bonaventure.
    – Crois-tu que c’est vrai ? reprit Pike.
    – Quoi ?
    – Qu’il avait quitté St Erconwald…
    Watkin fut parcouru d’un frisson d’appréhension qui le
dessoûla presque. Ce genre de racontars et d’histoires s’était répandu dans
toute la paroisse et on en avait discute avec fièvre sur les marches du Cheval pie. Watkin savait qu’il n’était qu’un pauvre pécheur : il
buvait trop, jurait, se battait et convoitait la femme du voisin. Ce qui ne l’empêchait
ni de craindre Jésus et Dieu dans les cieux ni d’aimer le pasteur de leur
petite paroisse, avec sa peau tannée, ses sombres yeux pensifs et son esprit
aiguisé comme un rasoir. Athelstan savait s’y prendre pour que le ramasseur de
crottin ait de lui-même une bonne opinion. De temps à autre, il lui tapait sur
l’épaule.
    – Ce que tu fais, Watkin, débarrasser les ruelles
puantes de leurs ordures, est une tâche appréciée de Dieu. Tu es comme le
Saint-Esprit !
    Watkin avait saisi une lueur d’amusement dans les yeux
du dominicain.
    – Tu assainis les choses ! Par conséquent, Watkin,
tu es très important dans l’ordre divin !
    Le ramasseur de crottin ne l’avait jamais oublié. Les
bruits selon lesquels Jean de Gand, éprouvant une profonde aversion envers le
jeune religieux, avait fait le nécessaire pour qu’on le transfère aux collèges
d’Oxford l’avaient effrayé. On prétendait qu’Athelstan avait déjà atteint
Cripplegate quand le prieur Anselm était intervenu et avait envoyé un message
ordonnant au dominicain de retourner dans sa paroisse. Athelstan n’en avait
jamais pipé mot, mais bon, il n’était point dans ses habitudes de se confier, réfléchit
Watkin. Et bien que chef du conseil paroissial, ce dernier n’osait provoquer le
prêtre. Athelstan avait une part d’ombre. Quand il était courroucé, sa langue
cinglait comme un fouet. Bien qu’il l’aimât, Watkin le craignait davantage que
les hommes d’armes du régent ou même le célèbre coroner John Cranston qui se
pavanait dans Southwark, une main sur son ceinturon, l’autre serrant sa gourde de
vin.
    Watkin s’interrogeait souvent sur les liens entre
Cranston et Athelstan, son secrétaire, mais il n’avait jamais trouvé de réponse.
Cranston était aussi gros qu’Athelstan était frêle. Il pouvait, et ne

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