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La chambre du diable

La chambre du diable

Titel: La chambre du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul Harding
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hors de l’ombre et, longeant le
bâtiment, poussa la grille chancelante qui ouvrait sur le cimetière. Patients, les
deux chevaux, harnachés et prêts, broutaient l’herbe. Il vérifia les paniers de
cuir rebondis placés derrière chaque selle. Tout était en ordre. Mais
viendrait-elle ? Sir Maurice s’agenouilla et tourna la tête vers le chœur.
    – Ô Seigneur, pria-t-il, aide-moi ! Si tu le
fais, j’irai en pèlerinage à Compostelle. Je serai le plus fidèle des époux. Je
te vouerai mes enfants, à toi et à ta sainte mère !
    Il rouvrit les yeux. Il se sentait un peu ridicule, à
genoux, là, dans les ténèbres, mais il n’avait pas le choix. Il aimait Angelica,
la fille du puissant marchand Sir Thomas Parr, de tout son esprit, de tout son
cœur et de toute son âme ; plus que sa vie même. Oui, et pour être franc, davantage
même que Dieu.
    Il l’avait rencontrée quelques semaines auparavant. Il
pensait à elle à chaque seconde, à son ravissant minois, à sa peau d’ivoire et
d’albâtre, à ses yeux bleus comme les bleuets, à ses cheveux d’or. Oui, elle
portait bien son prénom : Angelica. À dix-sept printemps, son beau corps
vibrait de vie – et ces yeux ! Sir Maurice n’avait jamais vu visage de
femme refléter le flot changeant de ses humeurs avec autant de clarté. Sa
volonté farouche se combinait avec un humour corrosif mais aussi avec de la
gaieté, avec un émerveillement devant la vie et tout ce qu’elle proposait.
    Il avait fait sa cour avec timidité au début parce qu’il
avait davantage l’habitude de la routine des camps et des affaires de la guerre.
Il ne craignait aucun homme vivant : à vingt-quatre ans seulement, il s’était
distingué dans les batailles en France et en mer. Oh, quel maladroit prétendant
il s’était montré ! Il savait qu’Angelica aimait à se gausser de lui. Néanmoins,
loin de repousser ses avances, elle avait baissé les yeux sur lui et, parfois, laissé
tomber, en gage d’affection, une étoffe de soie, la fleur qu’elle portait, et, enfin,
un petit anneau d’argent.
    Sir Maurice n’en croyait pas sa chance. Il s’était
attendu à un refus. Sir Thomas Parr était l’un des plus riches hommes de
Londres et pourtant Angelica était autant éprise de Sir Maurice qu’il l’était d’elle.
    Il avait préparé sa cour comme il aurait organisé le
siège d’un château. Sir Thomas emmenait sa fille au Savoy, le palais de Jean de
Gand. Réservé, Sir Maurice attendait et, bien sûr, l’occasion se présentait. Quelques
tendres propos chuchotés, des regards alanguis, des doigts qui se frôlaient en
passant, ne faisaient qu’attiser les flammes. Sir Maurice s’était retrouvé à
Cheapside, devant la grande demeure à colombages de Parr, à fixer, plein d’espoir,
les fenêtres à meneaux. Une nuit sa patience avait été récompensée : on
avait jeté une rose rouge, un petit message attaché à la tige par un ruban de
soie rose.
    Ils se rencontraient dans les coins ombreux des
églises de Cheapside ou de Poultry. Rosamunda, la servante d’Angelica, se
tenait hors de portée d’oreille mais assez près pour intervenir. Sir Maurice, tout
d’abord, avait cru qu’Angelica, avec son esprit vif et son allégresse
malicieuse, se moquait de lui. Il se trompait. Son cœur était aussi pur et
aussi beau que son visage. Sir Maurice ne se jugeait pas damoiseau fort galant ;
c’était un soldat à la face de combattant et aux manières rudes. Bien que
malhabile à s’exprimer, il avait avoué à Angelica qu’elle était l’amour de sa
vie. Elle lui avait effleuré la main, l’avait scruté de ses yeux bleus et, enfin,
vers la fin juillet, lui avait confié que son amour était aussi fort que le
sien, que c’était une passion ardente qui ne s’éteindrait jamais. Sir Maurice, alors,
avait eu l’impression de s’élever dans l’air. Encore quelques rendez-vous
clandestins, puis, armé de missives de Jean de Gand lui-même, il s’était
présenté chez Sir Thomas Parr, à Cheapside.
    Le jeune chevalier se mit debout non sans peine. Même
à présent, il avait le rouge au front, mal à l’aise, en repensant à la scène
qui avait eu lieu. Il s’était agenouillé devant Sir Thomas Parr et avait déclaré
son amour. Sir Thomas l’avait contemplé sans piper mot et s’était empourpré en
laissant libre cours au plus épouvantable des courroux.
    – Comment osez-vous ! avait-il tonné en
arpentant le solar 4 et sans

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