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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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mettait réellement mal à l’aise. Léonie semblait résumer toute la vie en signes
     divins… Il n’y avait plus trace de la femme moderne qui avait élevé à elle seule
     une fille qui n’était même pas la sienne et géré de main de maître un magasin
     qui, même s’il était loin de faire des affaires d’or, s’en sortait assez
     bien.
    Julianna se décida enfin et déchira délicatement l’enveloppe. Elle en extirpa
     l’habituel papier beige. Tout à coup, elle s’aperçut que l’enveloppe n’était pas
     vide mais que trois coupures de journaux y étaient jointes. Elle les déplia.
     C’était des bouts d’articles datés du 10 janvier 1927 publiés dans le journal La Presse . Un feu avait eu lieu la veille en après-midi au théâtre
     Laurier Palace de Montréal et soixante-dix-sept enfants y avaient péri. En
     marge, ici et là, sa marraine avait inscrit plusieurs mots : Punition
     divine — Signe — Expier. Bouleversée, Julianna regarda une des photographies,
     montrant une partie de l’intérieur dévasté de la salle de spectacle. La légende
     expliquait que « au haut de cet escalier que l’on voit au fond, se trouvait le
     palier où l’on a trouvé un véritable bouchon d’enfants ». Elle avaitentendu parler de cette terrible tragédie... Elle mit de côté
     les découpures afin de les montrer à son mari puis entreprit la lecture de sa
     lettre.
    Dès le début, elle dut s’arrêter avec un haut le cœur. Sa marraine lui écrivait
     qu’elle avait été désolée d’apprendre l’accident survenu à Pierre mais que si
     l’enfant s’était blessé ainsi avec son biberon, il fallait que Julianna prenne
     conscience que le Bon Dieu ne punissait jamais pour rien. La jeune mère devait
     en chercher la faute et s’en repentir...
    Elle reprit la lettre et se força à en continuer la lecture. Vers la fin, comme
     si elle n’avait jamais tenu un langage apocalyptique, Léonie lui racontait avoir
     rencontré par hasard l’ancien prétendant de sa fille, Henry Vissers. Celui-ci
     était toujours avocat et s’informait d’elle. Julianna sourit. Elle imaginait
     Henry, tenant maladroitement son chapeau entre les mains, demander de ses
     nouvelles. Elle avait lu tant d’amour dans les yeux de ce jeune homme, trop
     peut-être... Trop d’adoration, trop de soumission... Elle prit une décision.
     Elle écrirait à Henry, à son bureau d’avocat. Elle lui demanderait conseil pour
     la Pointe.
    Elle jeta un coup d’œil à l’entrée de la cuisine. Avant de mettre son plan à
     exécution, elle attendrait d’être certaine de ne pas être surprise par son mari.
     Il ne fallait pas que François-Xavier se doute un instant de ce projet qu’il
     condamnerait, à n’en pas douter. Comment se faisait-il qu’elle n’avait pas eu la
     présence d’esprit de recourir aux services de Henry avant aujourd’hui ? Si
     quelqu’un pouvait les aider dans cette pénible situation, c’était lui. Cette
     guerre entre la compagnie et eux leur empoisonnait l’existence. Chacun des clans
     préparait la bataille, recrutait, cherchait les points faibles. François-Xavier
     la traitait comme si elle ne comprenait rien à toutes ces histoires. Il est vrai
     qu’elle avait peine à suivre tous les rebondissements et toutes les données que
     presque chaque jour, son mari rapportait à la maison. Il y avait des articles
     dans les journaux, certains les appuyant, la plupartles
     condamnant ou des comptes rendus de réunion. Il leur fallait un allié de taille.
     Henry saurait les conseiller. Henry qui, lorsqu’il lui parlait de politique,
     s’enflammait, toute timidité disparaissant jusqu’à ce qu’il lui prenne la main
     en lui demandant pardon de l’avoir ennuyée avec ces histoires d’homme.
     Aurait-elle dû l’épouser ? À ce moment, François-Xavier rentra dans la cuisine,
     les bras chargés de bûches. Il fit débouler le lourd paquet et, avant de le
     corder, prit le temps de se réchauffer un peu les mains en les tendant devant le
     poêle à bois. Julianna lui jeta un regard en biais. Son mari affichait son
     habituelle mine grise des derniers mois. Retrouveraient-ils les jours heureux
     qu’ils avaient connus ensemble ? Tous ces problèmes ruinaient leur bonne
     entente. Ils se chicanaient régulièrement et les reproches fusaient. Le ton
     montait, elle boudait. Elle partait en courant se jeter sur leur lit et pleurait
     à chaudes larmes. Au

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