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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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attaché dans son lit.
    — L’attacher ?
    — Ben oui, une corde autour du pied pis une autour du berceau !
    — Je savais pas...
    — Vous êtes juste une jeune mère, ça se comprend que vous ayez pas le tour avec
     un bébé.
    — Ben, j’me débrouille pas pire, je pense...
    — Est-ce qu’il fait ses nuits ? demanda la femme d’un air sceptique.
    — Non pas encore, avoua presque honteusement Julianna.
    — J’en étais certaine ! fit victorieusement madame Ouellette.
    — Mais il n’est pas ben vieux encore… se défendit-elle.
    — Un bébé, ça prend trois jours à faire ses nuits, si vous connaissez la
     manière, ben entendu…
    — La manière ?
    — Pour votre bébé, j’vas vous donner un bon conseil, enchaîna la voisine sans
     remarquer l’expression de stupeur de son interlocutrice. Vous allez le virer à
     l’envers.
    — Quoi ?
    — Pour qu’il dorme la nuit pis pas le jour, il faut le virer la tête en bas pis
     le faire tourner deux, trois fois en le tenant par les pieds. Tout le monde sait
     ça franchement ma chère, termina-t-elle d’un air condescendant.
    — La tête en bas ?
    Si Julianna n’avait pas été aussi inquiète de la blessure de son petit Pierre,
     il y aurait longtemps qu’elle aurait dit sa façon de penser à cette femme. Mais
     son esprit était préoccupé par l’état de son fils.
    — Ben oui, un bébé à l’envers dans ses heures, il faut le virer pour le
     démêler. Si vous voulez, quand votre mari va revenir, j’vas aller vous le
     faire.
    — Non merci, refusa catégoriquement Julianna avec un air d’effroi à la pensée
     de cette sorcière tenant son fils par les pieds.
    Devant ce refus, madame Ouellette renâcla d’une drôle de manière
     et afficha un air qui se traduisait par : « Ben venez pas vous plaindre après
     ça… »
    — Pis la prochaine fois, allez pas dépenser de l’argent pour un docteur, venez
     me voir, j’y aurais recousu la bouche, moé.
    — Bon, je vous dérangerai pas plus longtemps, madame Ouellette, fit Julianna en
     se levant.
    Elle devait quitter cette maison sinon elle ne pourrait se retenir et elle
     dirait à cette femme ce qu’elle pensait de ses grands airs et de ses idées
     saugrenues !
    — Si vous voulez pas de mes conseils, c’est à vous la tête… lui dit sèchement
     la femme en la raccompagnant jusqu’à la porte.
    — C’est pas ça, madame Ouellette, mentit Julianna, c’est juste que… il faut que
     j’aille nettoyer le sang sur le plancher.
    — J’connais une bonne manière pour pas que ça reste taché le sang… commença
     madame Ouellette.
    Julianna leva les yeux au ciel et ne put retenir une exclamation
     d’exaspération.
    — Ah ! fit madame Ouellette d’un air de reproche, vous voulez pas de ce
     conseil-là non plus…
    — Pas vraiment, non, perdit patience Julianna en retrouvant tout son
     aplomb.
    — Ah bon ! fit la voisine, le bec pincé. Y en a qui se prennent pour le nombril
     du monde, ajouta-t-elle, perfide.
    — À qui le dites-vous, madame Ouellette ! lui rétorqua Julianna avant de se
     précipiter dehors et de courir jusque chez elle.

    François-Xavier avait vu juste et Pierre garda une vilaine cicatrice.
    Après avoir fini ses corvées du soir et couché le petit, Julianna s’installa à
     la table de la cuisine. Profitant de ce que son mari étaitsorti
     fendre du bois de chauffage, elle sortit de la poche de son tablier une
     enveloppe adressée à son nom et qui lui venait de sa marraine. À la lueur de la
     lampe à l’huile, elle déchiffra la date de l’envoi. On était au milieu février
     mais le timbre indiquait le 15 janvier dernier. Julianna se dit qu’elle se
     devrait, dans sa réponse, de parler du nouveau bébé de Marguerite. Celle-ci
     avait accouché d’un garçon, prénommé Delphis. Julianna annoncerait également
     qu’elle avait l’honneur d’en être la marraine. Hésitante, la jeune femme
     retourna la missive entre ses doigts. Elle en appréhendait de plus en plus le
     contenu. Ce n’était pas pour rien qu’elle attendait d’être tranquille pour lire
     les lettres de Léonie. Elle n’avait pas revu sa marraine depuis le décès de son
     beau-père. Au début, elle avait attribué l’étrangeté des missives à la douleur
     du veuvage. Julianna avait cru que le temps aurait pansé les plaies. Mais cela
     allait de mal en pis. Le ton des lettres lui donnait froid dans le dos et la
    

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