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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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pas comment Marguerite pouvait en être issue... Georges endurait en
     silenceet jurait que dès que la compagnie leur paierait leur
     compensation, il déguerpirait de cet endroit au plus sacrant. Georges, afin de
     fuir la tension étouffante et invivable de sa belle-famille, se réfugiait
     souvent à Roberval, laissant sa femme et ses trois fils derrière lui. Quand il
     avait fait connaissance avec Henry, il avait tout de suite apprécié ce
     Montréalais. Le trio se réunissait dans le salon de la maison de Roberval et la
     discussion allait bon train. Parfois, d’autres membres du comité de défense se
     joignaient à eux, pour faire le point, débattre d’une stratégie ou juste se
     donner du soutien dans l’épreuve. Julianna aimait avoir la maison ainsi pleine
     de monde. Souvent, elle leur jouait un air de piano au cours de la soirée. On
     l’applaudissait gentiment. Son frère la taquinait sur ce pauvre instrument
     martyrisé, Henry la regardait avec admiration et son mari... son mari
     l’ignorait.
    Julianna arrêta abruptement de jouer. Elle n’en avait plus envie ce soir-là.
     Henry s’objecta et l’implora de reprendre, Georges la remercia de cesser de les
     faire souffrir et son mari... son mari ne dit rien. Au contraire, il repartit la
     conversation sur l’expropriation de leurs terres. Le gouvernement libéral du
     Québec avait mis sur pied, cet été-là, une commission d’arbitrage afin de fixer
     l’indemnité offerte aux colons. Guidés par l’homme de confiance de la compagnie
     et un arpenteur, les membres de la commission avaient passé les derniers mois à
     parcourir les terres touchées par le baignage. Mais on mettait en doute leur
     impartialité. Le comité de défense avait engagé un avocat, maître Eudore Boivin
     de Chicoutimi, afin de les représenter et de s’assurer que les cultivateurs
     lésés reçoivent un juste montant pour leurs propriétés. Celui-ci avait beau
     faire du bon travail, il était clair qu’il ne faisait pas le poids face à la
     puissance de la compagnie et de sa coalition avec le gouvernement au
     pouvoir.
    — C’était un vrai cirque, cette commission ! s’exclama Ti-Georges. L’homme de
     la compagnie leur a montré seulement ce qu’il voulait ! Pis de loin
     encore !
    François-Xavier opina de la tête. Son ami avait raison.
    — Les hommes du gouvernement ont même pas daigné nous
     rencontrer, nous les propriétaires ! s’indigna-t-il.
    Avec hargne, Ti-Georges surenchérit :
    — Non seulement l’homme de la compagnie les a empêchés d’avoir notre point de
     vue, mais il nous a fait passer pour des moins que rien ! C’est pas l’envie de
     lui tordre le cou qui me manque !
    Henry intervint.
    — Il faut garder la tête froide. Trop d’émotions en affaires, ça donne jamais
     rien de bon. C’est ça que certains gens... disons... malfaisants de la compagnie
     cherchent à faire... Vous faire sortir de vos gonds pour prouver au monde qu’ils
     ont raison, que vous, les agriculteurs, êtes une bande d’empêcheurs de tourner
     en rond.
    Julianna, pensive, écouta les trois hommes discuter pendant un moment. Elle se
     dit que Henry amenait l’équilibre entre son frère et son mari. Ti-Georges ne
     voyait jamais d’espoir, tandis que François-Xavier se cachait la vérité. Henry
     tempérait le tout. Il ne faisait pas miroiter de miracle à personne mais
     refusait de céder au découragement.
    — Des malfaisants... répéta pensivement Ti-Georges.
    Découragé, il se versa à nouveau à boire en disant :
    — Tu vas voir, François-Xavier, on aura pas une crisse de cenne...
    — Le premier ministre Taschereau a promis que le montant serait juste, lui
     rétorqua son ami.
    — Tu vois pas clair, bateau ! s’exclama Ti-Georges. Taschereau, c’est le plus
     hypocrite de tous ! Y fait des courbettes pis y dit : venez, venez mes beaux
     gros Américains, venez avec votre argent. J’vas vous donner toute ce que vous
     voulez ! Des terres, des rivières, des forêts, un lac... Toute !
    — Ben, en échange, y construisent des usines pis des villes aussi... comme
     Arvida... intervint Julianna pour une rare fois.
    Jamais elle ne se risquait à s’interposer dans les conversations des hommes,
     mais elle n’était pas d’accord avec son frère. Les trois hommes la regardèrent
     en silence comme si elle avait quelque chose sur le bout du nez.
    — Ben quoi, c’est vrai, non ? se

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