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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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protection qu’il s’était lui-même cousu, et lacroix de son père qu’il avait suspendue à une cordelette de
     cuir autour de son cou et qu’il n’enlevait jamais. Que de fois sa Julianna avait
     essayé de la lui faire retirer. Elle disait que cela marquait sa peau et qu’on
     allait le croire sale. François-Xavier la laissait parler comme il en avait pris
     l’habitude ces dernières années.
    — François-Xavier, tu m’écoutes pas ! lui reprocha Julianna.
    — Ben oui...
    — Ben non ! Ça fait trois fois que je te demande de m’aider à défaire mon
     collier. J’y arrive pas... Il faut que je l’enlève et que je mette celui de
     Henry. Je peux toujours ben pas aller au bal avec ce vieux bijou démodé ! se
     désespéra Julianna.
    François-Xavier obtempéra et tenta de défaire la petite attache.
    — Attention de pas le briser ! l’avertit sa femme.
    Ce collier lui venait de Marguerite. Même s’il n’était que de pacotille,
     Julianna y attachait une grande valeur sentimentale. C’était le seul souvenir
     qui lui restait de son amie. Marguerite était décédée l’hiver dernier.

    Quand, l’été précédent, en juillet 1933, Marguerite s’était rendu compte que sa
     santé déclinait de façon alarmante, elle avait consulté un docteur. Le médecin
     avait demandé l’avis de ses collègues avant de se prononcer. Il n’avait pas
     laissé d’espoir à Marguerite. La femme avait une énorme tumeur dans le ventre.
     Elle était inopérable et n’en avait plus pour longtemps. Marguerite avait alors
     demandé à son mari d’écrire à Montréal et de supplier Julianna pour qu’elle se
     rende auprès d’elle. En prenant connaissance de la missive, on avait organisé le
     départ de Julianna et de Léonie pour le Lac-Saint-Jean.
    Les deux femmes laissaient les quatre enfants aux bons soins de Marie-Ange.
     François-Xavier viendrait peut-être les rejoindre plus tard. Léonie n’avait pas
     hésité une seconde avant de décider d’accompagner Julianna. Non seulement il
     n’était pas question que sa filleadoptive voyage seule, mais
     Léonie avait toujours eu un attachement profond envers Ti-Georges. Dans le
     train, Léonie était silencieuse. Au rythme des roues grinçantes sur les rails,
     les souvenirs affluaient.
    Son enfance au Lac-Saint-Jean, la mort de sa sœur Anna, son beau-frère
     Alphonse, son mariage avec Ernest, son veuvage… Elle essaya de s’endormir et de
     chasser ces images qu’elle ne voulait pas revoir. Mais Julianna semblait
     déterminée à ne pas la laisser tranquille. Depuis leur départ de la gare,
     Julianna, nerveuse, n’avait cessé de la déranger. Léonie, les yeux mi-clos,
     avait enduré ce babillage, répondant par monosyllabes, espérant décourager la
     jeune femme afin que celle-ci se taise enfin…
    — C’est la première fois que je quitte mes enfants…
    — Julianna, laisse-moi dormir.
    — J’espère que mes quatre p’tits monstres donneront pas trop de trouble à
     Marie-Ange.
    — Ben non.
    — Pierre, y est assez raisonnable pour son âge. Si c’est pas de valeur c’te
     cicatrice-là !
    — Ben de valeur…
    — Je le trouve gêné, vous trouvez pas, marraine ?
    — Un peu...
    — Ça grandit vite pareil ! Y me semble que c’était hier que j’étais enceinte de
     Pierre, pis là y a sept ans !
    — Julianna…
    — Yvette, par exemple, a pas ce problème-là. A l’a rien que cinq ans mais a
     mène tout le monde par le bout du nez ! Je sais pas de qui a tient...
    — On se le demande...
    — Pis mon Mathieu, lui, y a reçu un don, y a de l’oreille. Y apprend du premier
     coup une mélodie pis y a juste quatre ans ! Y a vraiment une âme sensible, vous
     trouvez pas ?
    — J’veux dormir…
    — Ouais, il est spécial, mon Mathieu. Mais je le trouve trop
     sérieux.
    — Pour l’amour, tais-toi un peu, ma fille.
    — J’espère que Laura fera pas de crise de fièvre encore. Elle est encore si
     chicot pour un bébé de deux ans ! A vomit son lait tout le temps.
    Léonie ouvrit les yeux et s’impatienta.
    — Julianna, j’connais l’âge de tes enfants pis comment y sont faits... Peux-tu
     être un peu plus silencieuse s’il te plaît ? Le train m’endort...
    — Excusez-moi, marraine. Je parlais pour parler.
    — C’est ça qui m’énerve.
    La jeune femme se força à rester tranquille un moment.
    Après quelques minutes qui lui parurent une éternité, Julianna

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