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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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relança la
     conversation.
    — J’aurais pas dû partir. Mes enfants sont ben trop jeunes encore pour qu’une
     mère les laisse.
    — Ben non.
    — Je pouvais toujours ben pas rester à Montréal. Les dernières volontés de
     quelqu’un, c’est sacré.
    — Julianna, s’il te plaît, j’aimerais pouvoir dormir un peu...
    La jeune femme acquiesça à la demande de Léonie mais ne put tenir longtemps sa
     bonne résolution.
    — Je sais ben pas ce que Marguerite veut tant me demander…
    Que de fois elle s’était posé cette question ces derniers jours ! Dans la
     lettre lui annonçant la mauvaise nouvelle, Georges faisait mention du désir de
     Marguerite que Julianna se rende à son chevet. Sa femme avait un secret à lui
     dévoiler, rien qu’à elle. Qu’est-ce que cela pouvait bien être ? Julianna n’en
     avait aucune idée. À la pensée de sa belle-sœur, souffrante et mourante, elle
     eut les larmes aux yeux. Marguerite était si jeune encore, à peine 32 ans. Et
     ses enfants… Qu’allaient-ils devenir ? Julianna s’en voulait de ne pas avoir
     pris la peine de retourner au Lac-Saint-Jean visiter son frère.
     Elle n’avait même jamais vu Samuel et les jumeaux, ses trois derniers fils. Avec
     Jean-Marie, Elzéar et Delphis et leur unique fille Sophie, cela ferait sept
     orphelins de mère. Quelle pitié ! Une mère ne devrait jamais mourir…
    Perdue dans ses pensées, Julianna était enfin silencieuse. Léonie crut qu’elle
     pourrait somnoler tranquille quand tout à coup, sa compagne de voyage
     s’exclama :
    — Que c’est loin, le Lac-Saint-Jean ! Au moins, François-Xavier a entendu
     raison. Chus ben contente d’être partie de là-bas pis d’avoir vendu la maison de
     Roberval si vite.
    — Je sais... marmonna Léonie en se forçant à ne pas perdre patience.
    — Monsieur Ouellette l’a achetée tout de suite pour sa fille, celle qui avait
     été inondée à Saint-Méthode.
    Léonie hocha la tête de découragement. Elle adorait sa fille adoptive, mais
     celle-ci pouvait être exaspérante parfois ! Depuis qu’elle et sa petite famille
     étaient venus vivre avec elle à Montréal, elle ne connaissait plus guère de
     moments de paix intérieure. Elle s’était promis de se priver de ses
     petits-enfants puisqu’à cause d’elle, Ernest ne pouvait les connaître. Ah !
     Ernest... mourir de façon si tragique... Elle se sentait si coupable. Elle était
     convaincue que c’était à cause de son mensonge à John que Dieu l’avait punie en
     lui enlevant son mari. En effet, elle n’avait pas tenu sa promesse. Elle avait
     juré que plus un homme ne l’aimerait et elle avait brisé son serment. Oui, Dieu
     l’avait punie. Combien de fois avait-elle eu envie d’en finir ? Elle savait
     pertinemment que le paradis lui était désormais interdit. Elle ne pouvait
     qu’essayer de racheter ses fautes. Peut-être que Dieu, dans sa miséricorde, la
     laisserait aller au purgatoire. Chaque matin depuis la mort de son mari, vivre
     avait été un supplice. Elle allait un peu mieux maintenant, grâce à sa chère
     nièce Marie-Ange, mais elle se sentait si fragile. Jamais elle ne se le
     pardonnerait. À vrai dire, ce voyage au Lac-Saint-Jean était pour elle
     l’occasion de faire le point.
    — Je sais ben pas si les parents de Marguerite vont nous
     recevoir comme du monde, fit remarquer Julianna. Les Belley sont pas
     avenants.
    — Pour la dernière fois, j’aimerais dormir, s’impatienta Léonie.
    Elle eut une idée pour faire taire sa fille. Elle se redressa, fouilla dans son
     sac à main et, ayant trouvé ce qu’elle cherchait, le prit en disant à sa
     filleule :
    — J’vas réciter mon chapelet à la place.
    Léonie sourit intérieurement. Julianna ne se permettrait jamais de la déranger
     pendant ses prières.
    — Tu veux prier avec moi ? l’invita-t-elle.
    — Non merci, répondit Julianna. Je... j’vas dormir à mon tour.
    Les mains jointes sur son chapelet, les yeux fermés, Léonie se dit que, cette
     fois, elle ne serait plus dérangée.

    Amaigrie, pâle, Marguerite ne pouvait presque plus se lever de son lit. Elle
     avait refusé de se regarder dans le petit miroir que sa mère lui avait tendu le
     matin afin qu’elle se coiffe. Elle n’en avait pas besoin pour savoir quel reflet
     il lui renverrait. Celui de la peur… et d’une profonde colère aussi. Pour cette
     raison et non pas vraiment par souffrance, comme le

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