Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
Vom Netzwerk:
croyaient ses proches, elle
     gardait la plupart du temps les yeux fermés. Le curé était passé et lui avait
     donné les derniers sacrements. Ses parents, son mari et ses enfants s’étaient
     regroupés autour d’elle, agenouillés. Elle avait eu envie de hurler en entendant
     son père réciter la prière, dire ces mots sacrés. Elle aurait voulu le montrer
     d’un doigt accusateur et crier que c’était sa faute si elle était en train de
     mourir. Il l’avait tuée. Sa maladie, ce cancer qui la rongeait, il en était la
     cause ! Si au moins ils avaient pu rester sur la Pointe... Là-bas, elle avait su
     se construire un abri. Mais ici, à Péribonka, sentir la présence de son père
     tous les jours, la trahison desa mère qui ne l’avait pas
     défendue, la peur que sa petite Sophie subisse le même sort... La cause de son
     agonie se tenait là, à genoux. Hypocrite... Violeur, meurtrier... Maintenant, il
     n’y avait que la promesse de la venue de Julianna qui la maintenait encore un
     peu en vie. Marguerite espérait que sa belle-sœur accède à ses dernières
     volontés. Elle n’avait qu’une demande, que Sophie, sa seule fille, ne soit pas
     élevée dans cette maison. Il fallait que Julianna la ramène avec elle, il
     fallait qu’elle l’éloigne de son père... qu’elle la sauve, elle.

    Dans le train, Julianna était enfin parvenue à se taire. Sa tante ronflait
     légèrement, les mains nouées autour de l’objet pieux. Elle-même n’était pas loin
     de somnoler. Elle pensait de nouveau à ses enfants. C’est drôle, on rêve de
     pouvoir juste souffler un peu, sans leurs cris, leurs chamailleries ou leurs
     exubérances, mais dès qu’on se retrouve un peu seule, les pensées ne sont plus
     que pour eux. Léonie lui disait souvent qu’elle les gâtait trop.
    D’avoir dû les laisser derrière elle, même sous la bonne garde de Marie-Ange,
     était presque insupportable. Elle avait une forte propension à toujours imaginer
     le pire. Pierre heurté par une voiture dans la rue, Yvette ébouillantée dans la
     cuisine, Mathieu étouffé par un quelconque objet, Laura terrassée par la
     fièvre... Puis elle pensa à son mari. Elle s’ennuyait déjà de lui et redoutait
     les nuits solitaires qui l’attendaient. François-Xavier… Elle avait cru que leur
     nouvelle vie à Montréal leur apporterait le bonheur, mais cela ne se passait pas
     ainsi. Ils se disputaient si souvent. Elle voyait bien qu’il était malheureux.
     Plus il arborait un visage fermé, plus elle essayait d’être exubérante et cela
     ne faisait qu’empirer les choses. Elle ne savait plus quelle attitude adopter
     envers lui. Si elle minaudait, il la repoussait les trois quarts du temps. Elle
     le confrontait ? Il fuyait. Alors, elle jouait à l’indifférente, mais il
     semblait fort bien s’en accommoder. La seule chosepour laquelle
     il semblait démontrer de l’intérêt à Montréal était d’aller au hockey avec
     Henry. Elle les revit, en 1930, bras dessus bras dessous, un peu ivres, revenir
     d’un de ces matchs et lui décrire, en parlant en même temps, des périodes de jeu
     mémorable, des passes rusées, des buts spectaculaires, des coups de patin
     rapides et de force du poignet incomparables ! Ils avaient chanté la victoire de
     leurs Canadiens et de leur troisième coupe Stanley, ridiculisé la défaite de ces
     affreux Bruins de Boston. Pendant des jours on n’avait plus entendu parler que
     de Howie Morenz et d’Aurèle Joliat ou encore de ce Georges quelque chose, dont
     Julianna n’avait pu retenir le nom bizarre. Elle se souvenait de la date, car
     c’était la même que celle du décès de son idole, Emma Lajeunesse. Sa chère
     Albani était morte ce 3 avril 1930. Pendant qu’une équipe de hockeyeurs élevait
     les bras en l’air en signe de victoire en l’emportant 4 à 3, leurs adversaires,
     défaits, affichaient la mine d’enterrement qui aurait été de mise pour l’Albani.
     Cher Henry... Il faisait presque partie de la famille maintenant. Averti de leur
     déménagement à Montréal, il s’était empressé de venir les saluer. Et depuis, il
     ne se passait guère de semaine sans que l’avocat ne vienne faire son tour.
     Léonie et Marie-Ange le traitaient comme leur propre fils. C’était « mon petit
     Henry » à tour de bras, comme s’il ne mesurait pas au moins six pieds. Julianna
     ne comprenait pas toujours les motivations du jeune homme

Weitere Kostenlose Bücher