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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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à leur rendre visite
     si souvent. Avait-il encore des sentiments pour elle ? Elle le croyait. Henry et
     ses belles manières, sa courtoisie, sa sollicitude... François-Xavier et sa
     brusquerie, son intransigeance, sa solitude... Un ami, un mari. Une affection,
     une passion. Une tentation, une déception. Dans les deux cas, une
     incompréhension.

    François-Xavier pressa le pas. Il était en retard à son rendez-vous. Henry
     l’attendait au parc Lafontaine. À l’heure qu’il était, Juliannadevait être à mi-chemin de Péribonka, en route vers le chevet de Marguerite.
     Cela lui faisait tout drôle d’être ainsi séparé de sa femme. Il retira son
     veston et roula les manches de sa chemise blanche. Il faisait si chaud
     aujourd’hui. Pas un souffle de vent pour rafraîchir. Cependant, la température
     aurait été plus fraîche qu’il aurait quand même sué à grosses gouttes. Il était
     si nerveux : Henry lui apportait des nouvelles de son dernier espoir.
    François-Xavier pensa à son amitié avec Henry. Si celui-ci croyait qu’il ne se
     rendait pas compte des sentiments que le prétendant éconduit éprouvait pour
     Julianna, il se trompait. François-Xavier se souvenait de l’avoir détesté sans
     le connaître. Il l’avait imaginé petit et rondouillard, laid, ayant tous les
     défauts du monde quand il n’avait eu que celui d’avoir courtisé Julianna. À sa
     grande déception, non seulement l’avocat était fort bel homme mais en plus, il
     était érudit, s’exprimait facilement, et son intelligence ne faisait pas de
     doute. Il semblait tout comprendre, tout savoir des intrigues politiques, du
     dessous des affaires. Lui, François-Xavier, ne saisissait pas la moitié de tous
     les aboutissants et enjeux politiques dans lesquels la compagnie l’avait plongé
     depuis des années. Avant 1926, c’était à peine s’il savait que cette industrie
     existait. Il avait entendu parler d’hydroélectricité, saisissait qu’on utilisait
     le pouvoir de l’eau et comprenait le fonctionnement d’un barrage. Pour lui,
     c’était bien suffisant. Son intérêt était de faire de son mieux pour établir une
     fromagerie qui serait prospère. Non pas pour devenir millionnaire et s’offrir
     des croisières ou des dents en or, non, il désirait seulement vivre dans sa
     belle maison, gâter un peu sa femme et ses enfants, avoir de la bonne nourriture
     sur la table et laisser à ses fils un bel avenir. La compagnie en avait décidé
     autrement. Que fait-on quand on est victime d’une telle injustice ? Pas un jour
     ne passait sans qu’il ne se pose la question. Henry lui disait de continuer à se
     battre selon les voies légales. Léonie, elle, d’accepter celles de Dieu. La
     résignation... cela n’était pas loin du désespoir. Même le comité de défense ne
     savait plus versqui se tourner. Les membres avaient remis la
     cause à la Sainte Vierge. On lui avait envoyé une copie de la prière. Son père
     aurait été d’accord avec ces écrits. Ensemble, ils avaient assisté à tant de
     messes, ils avaient fait silence à l’angélus, s’étaient signés en passant devant
     une croix de chemin, avaient respecté le carême, le jeûne du vendredi. Encore
     aujourd’hui, il accompagnait sa famille à l’église, se confessait à des curés
     montréalais, écoutait leurs sermons, se faisait réprimander, avertir, menacer,
     solliciter de l’argent. Il ouvrait la bouche, sortait la langue, avalait
     l’hostie, se signait, répondait : « Ainsi soit-il » et repartait pour une autre
     semaine, faire provision de manquements, de péchés, de désobéissance... Il était
     comme une petite marionnette à fils, pareille à celle qu’il avait vue au
     spectacle du castelet du parc Belmont. « Allez, baisse la tête, mets un genoux à
     terre, plie l’échine, soumets-toi... Obéis, endure... endure... c’est la voie de
     Dieu, ton chemin. »
    François-Xavier s’arrêta tout à coup de marcher. Il regarda autour de lui. Le
     tramway qu’il devait prendre pour rejoindre Henry arrivait. Il devrait courir
     pour ne pas le rater. Des policiers en longs uniformes veillaient à la
     circulation. Un homme gara sa voiture sur le bord de la rue et aida sa passagère
     à en descendre. La jeune fille riait à gorge déployée, coquette dans la robe la
     plus courte que François-Xavier ait jamais vue, la tête protégée du chaud soleil
     par un chapeau en forme de

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