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La Chimère d'or des Borgia

La Chimère d'or des Borgia

Titel: La Chimère d'or des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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laissé entendre qu’elle m’accorderait la préférence. Certes Wishbone roule sur l’or, mais je n’en suis pas tout à fait dépourvu, grinça Adalbert devenu ponceau. Et, en parlant de propriété, je pense qu’un château dans un lieu édénique serait pour elle un cadre plus flatteur que des centaines de kilomètres carrés au Texas supportant d’énormes troupeaux de vaches et une forêt de derricks !
    — Sans doute… mais l’archéologie dans tout cela ?
    — Elle n’y voyait pas d’incompatibilité. Les pays chauds sont excellents pour la voix…
    — La poussière aussi, comme chacun sait !
    — Allons, mon cher ami, ne vous faites pas l’avocat du diable ! Les hôtels de luxe poussent un peu dans tous les coins…
    — On dirait que vous êtes sûr de votre fait ! Alors pourquoi laisser l’Américain entretenir des espoirs… inutilement cruels ?
    — Il recherchait pour Lucrezia un joyau familial auquel elle tenait par-dessus tout. Ou plutôt, il le faisait chercher par…
    — Morosini ! Et je suppose que vous n’ignorez plus ce qui lui est arrivé ? asséna Warren, soudain sévère. Ne devriez-vous pas être en train de le rechercher, lui, au lieu de roucouler aux pieds d’une criminelle ?
    S’il fut tenté un instant de plaider pour Lucrezia, Adalbert y renonça aussitôt. Le siège de l’Anglais était fait, d’autant plus ancré qu’il s’appuyait sur les convictions de son collègue français tout aussi intransigeant ! Aussi préféra-t-il faire dévier la conversation :
    — Pour en revenir à Wishbone, vous pourriez l’entendre ! Il doit être revenu ?
    — Non… ou plutôt si : il est reparu au Ritz hier soir… le temps de régler sa note et de reprendre les bagages, impressionnants, qu’il avait laissés ! Amusant, non ?
    Non, Adalbert ne voyait rien d’« amusant » là-dedans, mais conscient du regard inquisiteur qui ne décramponnait pas, il réfréna sa colère, luttant contre l’envie de desserrer sa cravate et de sauter à la figure de son tortionnaire. Il réussit tout de même à prendre une cigarette, à l’allumer, à en tirer une bouffée et, dans le meilleur style Morosini, à ironiser :
    — Ne devriez-vous pas lancer votre meute à ses trousses, Superintendant ? À mon grand regret, je suis bien obligé de tirer une seule conclusion de cela : s’il existe quelque part un dindon de la farce, j’ai la joyeuse impression que c’est moi !
    Puis, après avoir inhalé encore un peu de fumée, il se leva en écrasant son mégot dans le cendrier en onyx posé sur un coin du bureau.
    — Si vous avez encore besoin de moi, vous savez où me trouver… Mais plus pour longtemps. M me de Sommières et M lle du Plan-Crépin qui m’attendent au Savoy souhaitent se rendre à Venise pour tenter d’adoucir un Noël qui s’annonce fort triste et je voudrais les accompagner.
    Le tenant toujours sous son regard, Warren ne bougea pas, mais au bout d’un instant, il eut un rire bref parfaitement inattendu et se leva.
    — Mes compliments, Vidal-Pellicorne ! Vous savez encaisser. Saluez pour moi ces dames ! Je vous souhaite bon voyage !
    Et il tendit une main qu’Adalbert serra sans plus d’arrière-pensée.
     
    À Paris, ce même soir vers 19 h 30, Fédor Razinsky déposait rue de Maubeuge un client qu’il avait pris en charge aux Champs-Élysées. Comme il avait encore du temps avant de remiser, il pensa que le train d’Amsterdam-Anvers-Bruxelles-Paris arrivant à 20 heures, il avait une bonne opportunité de faire une dernière course augmentée d’un volume de bagages peut-être intéressant… Quatre taxis stationnaient déjà, plus un cinquième, devant et nettement détaché de ces derniers, et qui devait avoir été retenu par une agence quelconque.
    Il ne faisait pas très froid mais la neige s’était mise à tomber vers la fin du jour et Fédor eut soudain envie d’un bon café-calva revigorant au buffet de la gare du Nord. Le taxi détaché était comme lui un G7 et il eut l’idée de lui demander de jeter un coup d’œil à sa voiture pendant sa courte absence. Aussi remonta-t-il la file d’attente, d’autant plus encouragé dans son projet que le numéro d’immatriculation était celui d’un copain, russe lui aussi.
    Or, le sourire qu’il arborait en s’apprêtant à s’arrêter à sa hauteur s’effaça aussitôt et, au lieu d’avancer, il recula : le conducteur n’était pas Dimitri Nazeff, ancien capitaine au régiment Préobrajensky,

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