La Chimère d'or des Borgia
l’Ange Cyclamen, les fétichistes du Nombril ou les adorateurs de l’Oignon. Il n’empêche que tous ces hallucinés ne sont rien d’autre que des hérétiques, des ennemis de Dieu qu’au temps jadis on eût expédiés rôtir sur les fagots du bûcher sans prendre le temps de respirer !
— Tonnerre de Brest ! s’écria M me de Sommières. Je rêve ou je deviens folle ! Ne me dites pas que c’est à Saint-Augustin et à la messe de 6 heures que l’on s’instruit de la sorte ?
— Non ! Rassurons-nous !… Sauf, il faut l’admettre, en ce qui concerne l’Ange Cyclamen ! Il a beaucoup séduit la femme de chambre de M me de Saint-Paterne !
— S’il vous plaît ! pria Aldo. Si on en revenait à l’affaire qui nous occupe ? D’après vous, ce sont les druides qui ont ramassé Berthier et l’ont emporté pour essayer de le soigner ? Ils possèdent des connaissances pour cela ?
— Ils possèdent ! Toutes basées sur la nature évidemment : les plantes, les sucs, les herbes et même les arbres. Ça, c’est le rôle de l’ovate, guérisseur et devin. Il y a aussi l’obod qui enseigne et assure les liaisons entre les autres groupes, enfin le barde gardien des traditions musicales et poète. En fait, on aurait volontiers tendance à les trouver sympathiques parce qu’ils sont inoffensifs – je n’accorde guère crédit à ces histoires de sacrifices humains que l’on a colportées –, et plutôt bienfaisants puisqu’ils respectent et s’efforcent de protéger la Création ! Le malheur est qu’ils refusent le Créateur, l’Église et tout le reste. En ce qui concerne Michel Berthier, ils ont dû s’apercevoir que ses blessures dépassaient leurs compétences et l’une des femmes a averti le druide de leur groupe : autrement dit, ce vieux fou d’Hubert ! Et vous pouvez être sûr qu’il connaît parfaitement la femme qui lui a téléphoné.
— Je vois, dit Adalbert. Encore une question, s’il vous plaît, Marie-Angéline…
— Dix, si vous voulez !
— Ce serait superflu : si j’ai vous ai comprise, ces gens ne vivent pas en communauté ?
— Non. Ils peuvent êtres notaire, femme de ménage, commerçant, rentier. Comme vous devez l’imaginer, il y a aussi de tout là-dedans, des bons et des moins bons ! Le cousin appartiendrait davantage à la seconde catégorie. Alors méfiance !
— Pour l’instant on n’a rien à lui reprocher ! bougonna Adalbert. Et étant donné qu’il a l’intention de nous aider, ayez la bonté, Marie-Angéline, de ne pas l’envoyer promener s’il nous donne des nouvelles. Il nous en a promis.
— Vous n’aviez qu’à lui donner vos coordonnées puisque vous êtes devenus si intimes !
— Intimes ? Modérez vos expressions, je vous prie ! Je les lui ai données, soyez-en persuadée, et il eût été discourtois qu’Aldo ne fasse pas la même chose !
— Plan-Crépin, ça suffit ! coupa la marquise. C’est moi qu’il traite de vieux chameau, alors ne soyez pas plus royaliste que le roi !
— D’autant, reprit Aldo, que je ne songe qu’à rentrer chez moi ! Au fond, maintenant que Berthier est tiré d’affaire, je n’ai aucune raison de m’attarder plus longtemps. Le professeur pense que la Chimère des Borgia est quelque part dans le château de la Croix-Haute mais il faudra peut-être des années pour la récupérer et, au fond, elle ne me passionne pas vraiment. Trop de sang a coulé dessus !
— Tu oublies l’ami Wishbone ? Il compte sur toi et je dirais même qu’il a placé tous ses espoirs en toi. Comment vas-tu t’en sortir ? rappela Tante Amélie.
— Lui dire la vérité, tout bêtement. Rien n’est perdu puisque le cousin Hubert reste sur place et qu’Adalbert n’est pas loin. Cela me permet de regagner Venise sans états d’âme. Au fait, vous n’avez pas de courrier pour moi ?
— Si, dit Marie-Angéline en allant prendre une lettre dans un petit secrétaire en bois exotique. Ceci est arrivé hier. Vous avez écrit à Lisa ?
— Quelques mots avant de partir pour Chinon. Que ce soit Guy qui m’écrive m’inquiète un peu. Elle doit s’imaginer que Chinon n’est qu’un départ pour un long voyage… et c’est tout juste ce que m’écrit Guy, fit Aldo après avoir lu la courte lettre. Je répondrai en personne. Nous sommes mardi et le prochain Simplon-Orient-Express part après-demain. Je vais retenir ma place…
— Je trouve Lisa bien nerveuse, ces temps-ci. Elle n’attendrait pas un nouvel enfant… ou
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