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La Chute Des Géants: Le Siècle

La Chute Des Géants: Le Siècle

Titel: La Chute Des Géants: Le Siècle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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C’était
bien Lev. Il avait changé évidemment, et ce n’était pas seulement parce qu’il
était robuste et bien portant. C’était toute sa posture, l’expression de son
visage et, surtout, son regard. Il avait perdu son air de gamin effronté ;
son attitude reflétait une prudence nouvelle. En un mot, il était devenu
adulte.
    En arrivant à son niveau, Grigori
repensa à toutes les trahisons de Lev et une foule de récriminations lui
montèrent aux lèvres. Mais il n’en formula aucune. Il ouvrit les bras et serra
son frère contre lui. Ils s’embrassèrent, se donnèrent des tapes dans le dos, s’étreignirent
encore et Grigori ne put retenir ses larmes.
    Il entraîna Lev vers le train et
le conduisit dans le wagon qui lui servait de bureau. Grigori demanda à son
aide de camp d’apporter du thé. Ils s’assirent dans des fauteuils défraîchis.
    « Tu es dans l’armée ?
s’étonna Grigori.
    — Il y a la conscription en
Amérique. »
    Évidemment. Lev ne se serait pas
engagé. « Et tu es officier !
    — Toi aussi. »
    Grigori secoua la tête. « Nous
avons aboli les grades dans l’Armée rouge. Je suis commissaire militaire.
    — Mais il y a encore ceux
qui commandent le thé et ceux qui l’apportent, remarqua Lev quand l’aide de
camp revint avec des tasses. Mamotchka serait drôlement fière !
    — Elle en éclaterait d’orgueil !
Pourquoi est-ce que tu ne m’as jamais écrit ? Je te croyais mort.
    — Oh, merde, je sais, je
suis désolé. J’étais tellement embêté d’avoir pris ton billet que j’attendais
de pouvoir te dire que j’avais l’argent de ton voyage. Je n’ai cessé de
repousser le moment de t’écrire. Il me fallait plus d’argent. »
    C’était une piètre excuse, mais c’était
Lev tout craché. Il avait toujours été du genre à n’aller à une soirée qu’à
condition d’avoir un beau costume à se mettre et à refuser d’entrer dans un bar
s’il n’avait pas de quoi payer la tournée.
    Grigori se rappela une autre
trahison. « Tu ne m’avais pas dit que Katerina était enceinte quand tu es
parti.
    — Enceinte ? Je n’en
savais rien.
    — Bien sûr que si. Tu lui as
demandé de ne pas me le dire.
    — Oh, j’ai dû oublier !»
Lev avait l’air d’un gamin pris en faute, cependant, il ne tarda pas à se
ressaisir et à exprimer ses propres griefs. « Figure-toi que le bateau
dans lequel tu m’as fait monter n’allait même pas à New York. Il nous a déposés
dans un trou paumé, à Cardiff. J’ai dû trimer pendant des mois pour me payer un
nouveau billet. »
    Grigori faillit se sentir
coupable, puis il se souvint que Lev l’avait supplié de lui donner son billet.
    « J’aurais sans doute mieux
fait de ne pas te tirer des griffes de la police, dit-il sèchement.
    — Tu as fait ce que tu
pouvais pour m’aider, c’est sûr », admit Lev à contrecœur. Il lui adressa
alors le sourire chaleureux qui avait toujours poussé Grigori à lui pardonner. « Comme
toujours, ajouta-t-il. Depuis la mort de Mamotchka. »
    Grigori sentit sa gorge se nouer.
« En tout cas, dit-il en espérant que sa voix ne tremblerait pas, il faut
faire payer son entourloupe à la famille Vialov.
    — Je me suis vengé. Il y a
un Josef Vialov à Buffalo. J’ai mis sa fille enceinte et il a dû me laisser l’épouser.
    — Alors ça ! Tu fais
partie de la famille Vialov maintenant ?
    — Il l’a regretté. Alors il
s’est arrangé pour que je sois mobilisé. Il souhaitait que je me fasse tuer à
la guerre.
    — Tu continues à te laisser
guider par ta queue, pas vrai ? »
    Lev haussa les épaules. « Faut
croire. »
    Grigori avait lui aussi quelques
révélations à lui faire et il n’était pas très à l’aise. Il commença prudemment :
« Katerina a eu un petit garçon, ton fils. Nous l’avons appelé Vladimir.
    — Ah bon. J’ai un fils ! »
dit Lev, visiblement ravi.
    Grigori n’eut pas le courage de
lui avouer que l’enfant ne savait rien de Lev et l’appelait papa. Il ajouta
simplement : « Je me suis bien occupé de lui.
    — J’en étais sûr. »
    Grigori sentit monter en lui une
indignation familière ; Lev avait toujours trouvé tout naturel de laisser
aux autres les responsabilités qu’il refusait d’assumer. « Lev, reprit-il,
j’ai épousé Katerina. »
    Il s’attendait à une réaction
outragée.
    Lev répondit calmement : « Ça
aussi, j’en étais sûr.
    — Qu’est-ce que tu

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