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La Chute Des Géants: Le Siècle

La Chute Des Géants: Le Siècle

Titel: La Chute Des Géants: Le Siècle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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leur mère d’une voix pressante.
    Grigori le savait. Babouchka
avait les plus grandes difficultés à marcher. Pourtant ils ne pouvaient pas la
laisser là, tout de même.
    « Grichka, allons,
viens ! » cria Mamotchka en courant devant lui, portant toujours Lev,
qui s’était mis à hurler de peur. Grigori la suivit, mais ce retard leur avait
été fatal. Les cavaliers approchaient, les encerclant. Le sentier qui menait
aux bois était coupé. Désespérée, Mamotchka se précipita vers la mare, ses
pieds s’enfoncèrent dans la boue, ralentissant sa course. Elle finit par tomber
dans l’eau.
    Les soldats s’esclaffèrent et la
huèrent.
    Ils ligotèrent les mains de leur
mère avant de la ramener. « Veillez à ce que les garçons soient présents
aussi, dit le chef de la police. Ordres du prince. »
    Le père de Grigori avait été
arrêté une semaine plus tôt, en même temps que deux autres hommes. La veille,
les charpentiers de la maison du Prince Andreï avaient dressé un échafaud
au milieu de la prairie nord. Suivant sa mère dans ce pré, Grigori vit trois
hommes debout sur l’estrade, pieds et poings liés, la corde au cou. Un prêtre
se tenait à côté du gibet.
    Mamotchka hurla :
« Non ! » Elle se mit à se débattre, cherchant à se débarrasser
de la corde qui lui entravait les poignets. Un cavalier sortit un fusil de sa
fonte et, le prenant par le canon, la frappa au visage d’un coup de crosse.
Elle cessa de lutter puis se mit à sangloter.
    Grigori savait ce qui allait se
passer : son père allait mourir ici. Il avait vu des voleurs de chevaux
pendus par les aînés du village, mais ce n’était pas pareil, parce qu’il ne
connaissait pas les victimes. La terreur s’empara de lui, engourdissant et
affaiblissant ses membres.
    Peut-être quelque chose
viendrait-il empêcher l’exécution ? Le tsar pourrait intervenir, s’il
veillait vraiment sur son peuple. Ou bien un ange. Sentant son visage mouillé,
Grigori se rendit compte qu’il pleurait.
    On les obligea, sa mère et lui, à
prendre place juste devant l’échafaud. Les autres villageois se rassemblèrent
autour. Comme Mamotchka, les femmes des deux autres condamnés avaient été
traînées de force jusque-là, au milieu des cris et des pleurs, mains liées,
leurs enfants cramponnés à leurs jupes, hurlant de frayeur.
    Sur le chemin de terre derrière
la barrière du pré, une voiture fermée était arrêtée, ses deux chevaux alezans
broutant l’herbe du bas-côté. Quand tout le monde fut là, un personnage à barbe
noire sortit de la voiture, vêtu d’un long manteau foncé : le Prince Andreï.
Il se retourna et tendit la main à sa petite sœur, la Princesse Bea, aux
épaules couvertes de fourrure pour se protéger du froid matinal. La princesse
était belle, Grigori ne put s’empêcher de le remarquer. Avec son teint clair et
ses cheveux blonds, elle ressemblait à un ange. Et pourtant elle était
forcément diabolique.
    Le Prince s’adressa aux
villageois : « Cette prairie appartient à la Princesse Bea. Personne
ne peut y faire paître du bétail sans son autorisation. Agir ainsi, c’est voler
l’herbe de la princesse. »
    Un murmure de ressentiment
s’éleva de la foule. Les villageois n’acceptaient pas ce principe de propriété,
en dépit de ce qu’on leur racontait tous les dimanches à l’église. Ils
adhéraient à une moralité paysanne plus ancienne selon laquelle la terre était
à ceux qui la travaillaient.
    Le Prince désigna les trois
hommes debout sur l’échafaud. « Ces imbéciles ont enfreint la loi – pas
une seule fois, mais à plusieurs reprises. » L’indignation rendait sa voix
stridente comme celle d’un enfant à qui l’on a arraché son jouet. « Pire
encore, ils ont déclaré aux autres que la princesse n’avait pas le droit de les
en empêcher, que les champs que le propriétaire n’exploite pas devraient être
mis à la disposition des paysans pauvres. » Grigori avait souvent entendu
son père tenir ce genre de propos. « C’est ainsi que les hommes d’autres
villages ont commencé à faire paître leurs bêtes sur des terres appartenant à
la noblesse. Au lieu de se repentir de leurs péchés, ces trois hommes ont
incité leurs prochains à pécher, eux aussi ! C’est la raison pour laquelle
ils ont été condamnés à mort. » Il fit un signe de tête au prêtre.
    Celui-ci gravit les marches de fortune
et s’adressa tout bas à chaque

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