La Collection Kledermann
! riposta Aldo. Étant donné que je lui ai demandé de retarder de vingt-quatre heures sa perquisition, il faut lui offrir un os à ronger, sinon il va s’en servir pour m’arracher les oreilles !
— Et les miennes en prime ! appuya Adalbert.
— C’est aussi mon avis ! déclara la marquise. Comme vous allez sûrement vous lancer dans la chasse au trésor, les garçons, il vaut mieux assurer vos arrières.
Mais Plan-Crépin tenait à son point de vue :
— Sans doute ! Mais s’il commence à arrêter à tour de bras, il récupérera peut-être la collection Kledermann mais il signera du même coup la condamnation à mort du propriétaire. S’il la sait perdue pour lui, Borgia ne gaspillera pas une minute pour s’en débarrasser ! Un coup de revolver ou un coup de marteau et il l’enverra nourrir les poissons du lac !
— Le lac ? Vous faites allusion à Lugano ? demanda Adalbert.
— Ça me paraît naturel puisque c’est son fief, et si je crois ce que l’on a dit, ce n’est pas la place qui manque !
— Oui, mais il y a plus de trois mois que la baraque est sous surveillance de jour comme de nuit et, à part une vieille folle qui se prend pour une infante en exil, on n’a jamais rien trouvé ! Or amener d’Angleterre jusqu’à Lugano un corps du gabarit de Kledermann doit tout de même présenter quelques difficultés !
Le résultat de ce débat animé fut que personne ne dormit beaucoup cette nuit-là à l’hôtel de Sommières et qu’en se rendant Quai des Orfèvres le lendemain matin, les deux hommes n’étaient pas au meilleur de leur forme.
L’accueil qu’ils reçurent du grand chef n’était pas fait pour les réconforter. Il était visiblement à cran :
— Un appartement en désordre, hein ? Des paperasses un peu partout ? Il ne manquait guère que des fleurs…
Aldo monta aussitôt au créneau :
— Il aurait pu y en avoir. On a oublié de vous dire que c’est la concierge qui fait le ménage chez Grindel et comme elle a un petit faible pour lui…
— Je croyais qu’il était mal vu de tous les voisins ?
— Parce qu’il est peu aimable, avare et a le porte-monnaie coincé ! Ce qui n’atteint pas M me Branchu qui, au contraire, le porte aux nues… à condition que les oreilles de son mari ne traînent pas dans le voisinage.
— Comment le savez-vous ?
— J’ai pris la peine d’aller bavarder avec elle en me présentant pour ce que je suis d’ailleurs : un cousin par mariage… de Grindel.
— Nom et titre compris ?
— Absolument ! Nous avons été très vite bons amis. D’autant plus que me disant inquiet pour Gaspard, il fallait à tout prix lui éviter de rentrer chez lui durant quelques jours. Aussi sachant quelle confiance il avait en elle, j’avais préparé une lettre que je la priai instamment de lui faire parvenir s’il lui avait laissé une adresse ou un numéro de téléphone comme il est normal de le faire en cas d’urgence. L’enveloppe était timbrée mais sans suscription et je l’ai posée devant elle en laissant apparaître le coin d’un billet de banque.
— Et elle a pris le paquet en vous disant qu’elle ferait le nécessaire puis vous a dit « au revoir » ? J’imagine qu’ensuite vous l’avez guettée quand elle est allée la porter à la boîte ?
— Pour l’assommer plus ou moins ? Vous me prenez pour qui ? Elle a réagi comme je l’espérais quand je lui ai présenté mon stylo…
— Un Montblanc hors de prix qui lui a fait perdre ses moyens, susurra Adalbert…
— Tais-toi !… et m’a donné ce que je voulais : l’adresse d’un pavillon à Nogent où vit un ancien serviteur des parents Grindel. Un vieux Suisse nommé Rolf Schurr qui y a pris sa retraite après la mort de sa femme française. Voilà ! Maintenant j’attends vos reproches !
— Donnez-moi cette adresse !
Aldo respira à fond :
— À une condition !
— Quoi ? Vous perdez la tête, ma parole !
— Oh, que non ! J’expliquerai après…
Langlois tourna alors sa colère contre Adalbert :
— Et vous ? Vous restez là sans rien dire ? Que votre copain en prenne à son aise avec la police française passe encore : il est italien…
— Vénitien ! rectifia Morosini impavide.
— Mais vous, Vidal-Pellicorne, vous êtes bien français, il me semble ?
— Jusqu’au bout des ongles… mais vous nous connaissez assez, monsieur le commissaire principal, pour savoir que s’il nous arrive de dépasser quelque peu les limites de la loi, c’est
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