La Collection Kledermann
tranquilles et même près d’un lac tellement commode quand on veut se débarrasser d’un gêneur ?
— Pour ce qui est du lac, c’est impensable pour un Zurichois : ce lac est quasi sacré ! Il est le plus propre et donc le plus pur des cantons helvétiques ! Et puis Gandia doit avoir ses raisons.
— Mais s’il invite l’autre à trucider lui-même son oncle, ça va faire du bruit ? Un flingue…
— Pourquoi pas un couteau ? Le vacarme viendra de nous car je ne suis pas là pour le laisser rigoler, conclut Aldo en tirant de sa poche son pistolet dont il débloqua la sécurité et qu’il garda en main.
Adalbert en fit autant. À ce moment un ronronnement de moteur leur parvint et le double pinceau lumineux des phares balaya brièvement l’arrière de l’église.
— Tiens, commenta Adalbert, voilà les Frères de la Côte (13) !
En effet, la silhouette bien connue à présent de la Citroën grise venait se garer au bord du tapis vert à peu près en face de la précédente… Les passagers en descendirent au premier coup de minuit qui fit sursauter les guetteurs. Gaspard tenait le sac de bijoux de la main gauche, gardant la droite dans sa poche. Mathias venait derrière lui. Au deuxième coup, Gandia sortit à son tour et marcha à leur rencontre… et tout se déchaîna pendant que s’égrenaient les dix autres coups de minuit. Avant d’avoir prononcé la moindre parole Grindel sortit sa main de sa poche et tira. Avec un râle bref, César se plia en deux et s’écroula. Presque en même temps, Mathias courant en zigzag arrosait l’arrière de la voiture tandis que Grindel revenait à la sienne dont le moteur tournait, ramassait son frère en voltige et le pied au plancher fonçait vers la rue principale malgré les tirs désespérés d’Aldo et d’Adalbert qui dut effectuer un saut de côté, roulant sur lui-même pour éviter d’être renversé tandis qu’Aldo canardait la voiture dans l’espoir d’atteindre le réservoir d’essence… Mais non ! En dépit de son adresse, la maudite voiture avait déjà disparu !
— C’est pas possible ! Ils sont possédés du démon ! ragea-t-il.
— Tu as quand même dû en amocher un ! remarqua Adalbert en guise de consolation. Mathias doit avoir une balle dans l’épaule !
— Mais il est vivant, bon Dieu ! Vivant, cette ordure, alors que Moritz…
— L’est tout autant, fit Adalbert qui explorait la Fiat abandonnée. Viens voir !
Il y avait bien un cadavre sur la banquette arrière mais ce n’était rien d’autre qu’un mannequin habillé de vêtements élégants.
— On ferait mieux de filer, maintenant, conseilla Adalbert en allant ramasser le sac abandonné. Tout le village va nous arriver dessus et il va falloir s’expliquer avec la police !
Ils s’immobilisèrent pour écouter mais rien ne bougea :
— Ce n’est pas possible ! Ils sont tous frappés de surdité !
— L’horloge qui sonnait minuit sans doute ? Il faut avouer qu’elle fait pas mal de boucan et Grindel devait le savoir.
— Qu’est-ce qu’on décide maintenant ?
— Oh, on n’a pas le choix entre trente-six solutions : on prend la route de Lugano. Je jurerais que ce truand va vouloir faire le ménage à la Malaspina. Et il faut tâcher de lui brûler la politesse. Tu vois qu’on a eu raison de régler l’hôtel et de faire le plein ! Avec de la chance ils vont peut-être souffler un peu avant de passer à l’attaque ?
— Nous aussi… mais juste pour boire du café de notre Thermos… et jeter un coup d’œil à ce sac abandonné avec tant de désinvolture ! fit Adalbert en prenant ledit sac sur ses genoux. Ça m’étonnerait qu’il y ait le moindre bijou là-dedans ! Curieux comme les grands esprits se rencontrent ! ajouta-t-il en extirpant un morceau de coton et un paquet de haricots secs. On n’a tout de même pas le même épicier !
12
Une dette d’honneur
Obsédé par l’idée de voir ce qui se passait au juste à la villa Malaspina, Marie-Angéline consacrait la majeure partie de son temps à l’observer. Du haut de la tour dans la journée mais, le soir venu et le dîner expédié, elle donnait la préférence au mur mitoyen où, l’ayant suivi sur toute sa longueur, elle avait découvert une sorte de dépression à demi recouverte par les retombées d’une aristoloche accrochée au tronc d’un arbre voisin. L’ascension ne lui posant aucun problème, elle allait s’y installer armée de jumelles dès la dernière bouchée
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