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La Comte de Chanteleine - Épisode de la révolution

La Comte de Chanteleine - Épisode de la révolution

Titel: La Comte de Chanteleine - Épisode de la révolution Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Verne
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restée sur la plage, hurlait, et l’on entendait ces cris de haine :
    – À mort ! à mort ! le juroux  !
    – Cassez-lui la tête d’un coup de pen-bas  !
    – Un bon coup de ferte au maudit !
    Le malheureux prêtre, éveillé par ces vociférations, était sorti de sa hutte ; on le voyait courir sur cette île sans issue, épouvanté, effaré ; il se sentait voué à une mort affreuse ; il allait et venait, les cheveux hérissés, et vêtu d’une mauvaise soutane toute déchirée aux arêtes aiguës des rocs.
    Bientôt, les assaillants accostèrent l’île et se dirigèrent vers le maudit ; ils couraient en secouant leurs torches. Kernan, comme s’il eût été le plus ardent à la vengeance, les devançait tous.
    Yvenat, éperdu, s’était enfui vers la mer ; mais enfin, acculé à un rocher, il n’avait plus moyen de s’échapper, il fallait périr ; les cris retentissaient autour de lui, et toutes les angoisses de la dernière heure se peignaient sur son visage livide.
    Deux ou trois pêcheurs, le bâton levé, se précipitèrent vers lui ; mais, plus rapide, Kernan le saisit à bras-le-corps, le souleva, et avec lui se lança dans les flots noirs et écumants.
    – Kernan ! s’écria le chevalier.
    – À mort ! à mort ! s’écrièrent les assaillants, qui se penchaient sur l’abîme. Noie-le comme un chien !
    Cependant, Kernan, invisible dans l’ombre, remonta à la surface de l’eau avec Yvenat, qui ne savait pas nager ; il le soutint, et, quand la connaissance fut revenue au prêtre :
    – Tenez-moi bien, lui dit-il..
    – Grâce ! s’écria le malheureux.
    – Je vous sauve !
    – Vous !
    – Oui ; gagnons un point de la côte ! N’ayez pas peur ! appuyez-vous sur moi.
    Le prêtre, sans se rendre compte de ce secours inattendu, ne comprit qu’une chose, c’est que sa vie pouvait être sauvée. Il se cramponna au vigoureux Breton, qui nageait d’un bras robuste, pendant que les cris de mort retentissaient dans les ténèbres.
    Au bout d’une demi-heure, Kernan et le prêtre abordèrent sur la côte, bien au-dessous de l’île. Le prêtre était épuisé.
    – Pouvez-vous marcher ? lui demanda le Breton.
    – Oui ! oui ! s’écria Yvenat en faisant un suprême effort.
    – Eh bien ! prenez par les champs, évitez les maisons, vous avez la nuit devant vous ! Que le matin vous trouve du côté de Brest ou de Quimper.
    – Mais qui êtes-vous ? demanda le prêtre avec un vif accent de reconnaissance.
    – Un ennemi, répondit Kernan. Allez ! que le Ciel vous conduise, s’il a encore pitié de vous.
    Yvenat voulut serrer la main de son sauveur ; mais celui-ci s’était déjà éloigné ; le prêtre alors, se traînant vers les plaines incultes, disparut dans la nuit.
    Kernan avait repris le chemin de la côte ; il revint vers la foule des pêcheurs.
    – Le maudit ! le maudit ! lui crièrent cent voix haineuses.
    – Mort ! répondit le Breton.
    Un immense silence succéda à cette réponse, et cependant personne n’entendit Kernan murmurer à l’oreille du jeune homme :
    – Il est sauvé, monsieur Henry ! Voilà une bonne action dont je ferai pénitence !



XI – QUELQUES JOURS DE BONHEUR
     
    Après cette terrible soirée, dans laquelle la colère de toute une population se déchaîna contre un seul homme, le village de Douarnenez reprit son calme habituel, et, il faut le dire, les pécheurs retournèrent à leurs travaux accoutumés avec plus de confiance ; depuis la mort du maudit, ils ne pensaient pas avoir à redouter les représailles des républicains, qui ne connaissaient rien de l’affaire. Il n’en était pas ainsi du comte et de ses amis ; ils devaient craindre que le premier acte de la liberté d’Yvenat ne fût une dénonciation en règle contre les habitants de Douarnenez. On pouvait donc s’attendre, un jour ou l’autre, à la visite des gardes nationaux du département et des forcenés des villes.
    De là un danger sérieux pour le comte et pour sa fille.
    Quelques jours se passèrent dans les plus vives inquiétudes ; Kernan fit même ses préparatifs pour le cas où un départ subit fût devenu nécessaire. Mais enfin, une semaine après les événements, rien ne légitimant la crainte d’une invasion des républicains, le comte commença à se rassurer.
    Ou Yvenat n’avait pu gagner les villes, et était retombé entre les mains de ses paroissiens, ou, ne voulant pas se venger de ses ennemis, il

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